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Mer de Chine : Face à la Chine, la Malaisie se muscle

Défense | Il y a trois semaines, des avions militaires chinois ont violé l’espace aérien de la Malaisie. Kuala Lumpur a décidé de renforcer ses capacités aériennes après avoir été menacée par les multiples et récentes incursions de Pékin au-dessus de la Mer de Chine méridionale. 

Le 22 juin, le ministère de la Défense de la Malaisie a lancé un appel d’offres très attendu pour l’acquisition de nouveaux avions de combat légers et de chasseurs d’entraînement avancés, trois semaines après que des avions de l’Armée populaire de la Libération (APL) ont violé son espace aérien le 30 mai.

Selon une annonce publiée sur le site Web du ministère, la Royal Malaysian Air Force (RMAF) prévoit d’acquérir 18 avions — sans plus de précision — pour remplacer sa flotte vieillissante et hétéroclite. Cependant, le magazine en ligne Janes, un site spécialisé sur la défense, rapporte que la RMAF souhaite que huit de ces jets soient principalement configurés pour la formation — en jargon militaire « Fighter Lead-In-Trainer » (FLIT) — tandis que les autres seraient des avions de combat légers — Light Combat Aircraft (LCA). L’appel d’offres se termine à midi le 22 septembre 2021.

Des avions bien usés et en nombre insuffisant

Cette modernisation s’inscrit dans le cadre du plan de modernisation lancé en 2018. Il prévoit l’acquisition de 36 appareils LCA/FLIT en deux phases, 18 appareils devant être achetés en 2021 et le reste en 2025.

Actuellement, l’armée de l’Air malaisienne possède sept avions d’entraînement à réaction Aermacchi MB-339CM et 18 avions de combat légers BAE Hawk 108 et 208. Ces flottes datent au milieu des années 1990, et sont bien usées. Pour les théâtres de conflit plus conséquents, la RMAF est équipée de huit Boeing F/A-18D Hornet et de 18 avions de combat russes Sukhoi Su-30MKM Flanker.

Le problème de la Malaisie vient du manque de fonds. À défaut des appareils neufs, Kuala Lumpur envisage d’acquérir certains des Hornet dont le Koweït se défait. Aujourd’hui, les récentes incursions chinoises ont donné une raison, un nouvel élan à la nécessité pour la RMAF de se moderniser afin de (un peu) mieux contrôler son espace aérien. Même si, au regard de la quantité des appareils actuels et à venir, la balance des forces penche, sans comparaison possible, vers la suprématie de Pékin.

L’appel d’offres et le favori indien

En décembre 2018, la Malaisie a lancé un appel d’offres mondial. À la suite à cela, elle a reçu huit propositions des avionneurs militaires. Il s’agissait notamment du Boeing T-7 Red Hawk, du KAI FA-50 de la Corée du Sud, du Leonardo M-346 Master de l’Italie, du HAL Tejas de l’Inde, du PAC Chine-Pakistan JF-17 Thunder, du Yakolev Yak-130 de la Russie, du Vodochody L-39 NG de la Tchéquie et… du Hongdu L-15 de la Chine. Dans le contexte actuel de tension en Mer de Chine méridionale, il n’est pas certain que l’avionneur chinois puisse faire partie des fournisseurs à considérer.

D’après les informations de l’Eurasian Times, la RMAF s’est montrée particulièrement impressionnée par le jet HAL Tejas indien, en termes du rapport prix-performance. Parmi les autres prétendants de premiers plans figurent le Gripen JAS 39 de Saab (Suède), le PAC JF-17 Thunder (Chine-Pakistan) et le FA-50 de KAI (Corée du Sud).

 

Mer de Chine Carte Intrusion chinoise — Source : Ministère malaisien de la Défense.
Mer de Chine Carte Intrusion chinoise — Source : Ministère malaisien de la Défense.
L’incursion chinoise dans l’espace aérien de la Malaisie

Fin mai et début du mois de juin, 16 avions militaires chinois ont violé l’espace aérien malaisien, au-dessus de la Mer de Chine méridionale, obligeant la RMAF à faire décoller ses avions de chasse. Kuala Lumpur a qualifié ces incursions de « menace sérieuse pour la souveraineté nationale et la sécurité des vols », tandis que la Chine a parlé de « vols de routine ».

L’armée de l’Air malaisienne affirme que les avions chinois ont volé jusqu’à 60 miles nautiques de l’État de Sarawak, à Bornéo, dans sa Zone économique exclusive (ZEE) de la Malaisie. Plus exactement, la région des îlots de Luconia (en malaisien : Peting Patinggi Ali) et de James Shoals d’où les Chinois ont fait demi-tour. Il s’agissait des transporteurs stratégiques Xian Y-20 et Ilyushin Il-76, accompagnés par des chasseurs. « Les avions chinois n’ont pas contacté le contrôle aérien régional, bien qu’on leur ait demandé de le faire à plusieurs reprises », a indiqué l’armée de l’Air dans son communiqué. Les Hawks du 6e escadron aérien de la RMAF basé à Labuan les ont « interceptés ».

Kuala Lumpur hausse le ton

Cette intrusion a provoqué la colère de la Malaisie. Son ministre des Affaires étrangères, Hishammuddin Hussein, a convoqué l’ambassadeur de Chine au sujet de l’incident que la Malaisie décrit comme « une menace sérieuse pour la souveraineté nationale et la sécurité des vols ».

Hishammuddin Hussein : « La position de la Malaisie est claire : avoir des relations diplomatiques amicales avec n’importe quel pays ne signifie pas que nous allons compromettre notre sécurité nationale ».

Afin d’appuyer ses protestations, la Malaisie a publié une carte montrant la trajectoire de vol des avions chinois passant Luconia Shoals et James Shoal. Ces deux hauts-fonds sont revendiqués par la Malaisie et se trouvent dans sa zone économique exclusive (ZEE).

L’hégémonie : quand la Chine utilise « la ligne des neuf traits »

L’ambassadeur de Chine en Malaisie a répondu que les avions ne faisaient que suivre un entraînement de routine et qu’ils « respectaient strictement le droit international sans violer l’espace aérien d’autres pays. La Chine et la Malaisie sont des voisins amis, et la Chine est prête à poursuivre des consultations bilatérales amicales avec la Malaisie pour maintenir conjointement la paix et la stabilité régionales ».

Pékin maintient obstinément que ces territoires maritimes lui appartiennent, car « ils sont situés à l’intérieur de la ligne des neuf traits de la Chine ». Pékin a utilisé cette revendication — sans fondement juridique et contraire aux lois internationales  — pour exercer son influence sur la voie navigable de la Mer de Chine méridionale.

Le problème ne concerne pas que la Malaisie, mais tous les pays du pourtour de la Mer de Chine méridionale. Les derniers temps, la Chine affirme ses prétentions en usant la force.

Dans la région, elle déploie ses navires de garde-côtes près des hauts-fonds de Luconia et perturbe les activités économiques de ses voisins, comme la pêche, la recherche et l’exploitation gazo-pétrolières du Viêt Nam et d’autres pays. En 2020, un navire de prospection pétrolière sous contrat avec la compagnie énergétique publique malaisienne Petronas a été impliqué dans un affrontement initié par un navire chinois de recherche océanique. Pékin mène en permanence des incursions aériennes et maritimes dans la ZEE des Philippines. En mars 2021, plus de 200 bateaux chinois de la milice maritime, le bras « gris » de la Marine de guerre chinoise, se sont postés près du récif contesté de Whitsun, revendiqué par les Philippines.

Et ce n’est pas près de s’arrêter.

Vo Trung Dung

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L’image de Une : © Ministère de la Défense de la Malaisie.


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