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Neige © Zoltan Tasi via Unsplash

Les JO de Pékin : La neige de tous les dangers

Le vendredi 4 février, les Jeux d’hiver de Pékin commencent. Mais les sites n’ont que très peu de neige. Alors, la Chine a choisi la formule « Quoiqu’il en coûte ! » et la neige sera 100 % artificielle. Une première mondiale. De l’eau et de l’énergie utilisées. Les protecteurs de la nature s’étranglent. Sans compter les dangers physiques, en cas de chute, que représente cette neige pour les athlètes.

La météo est douce à Yanqing et Zhangjiakou, les deux sites — arides — situés à respectivement 90 km et 200 km de la capitale où auront lieu les épreuves. Sur Yanqing, site du ski alpin et du slalom, et Zhangjiakou, site du ski de fond, du saut à ski et du snowboard, les Chinois ont mis en place plus de 100 générateurs de neige et 300 canons à neige travaillant à plein régime pour couvrir les pistes de ski, mais aussi les paysages aux alentours pour une meilleure image télévisuelle.

Carmen de Jong, géographe et professeure d’hydrologie à l’Université de Strasbourg, citée par le journal Ouest-France : « Il y a un manque d’eau et une pénurie très sévère dans cette région. Pour les deux sites, l’eau doit aussi être pompée en amont, et c’est très gourmand en énergie. D’autant que c’est un climat aride, qui nécessite deux à trois fois plus d’eau que dans une région alpine pour produire un même volume de neige. »

Elle poursuit : « Pour les sites de Zhangjiakou et Yanqing, j’ai calculé qu’il faut à peu près deux millions de mètres cubes d’eau pour tout enneiger. Et puis pour créer une image plus jolie pour la télé, ils ont aussi enneigé certaines pentes, comme au tremplin, pour avoir une image plus alpine. »

Bien que la Chine affirme à plusieurs reprises qu’elle n’utilise que des précipitations naturelles et de l’eau recyclée pour fabriquer de la neige, il est à craindre que le volume élevé d’eau utilisée n’exerce une pression supplémentaire sur les ressources déjà rares de la région.

Danger potentiel pour les athlètes et les participants

Un rapport rédigé par des chercheurs du Sport Ecology Group de l’université de Loughborough, en Angleterre, et du groupe environnemental Protect Our Winters, sonne l’alerte : « Cette méthode est non seulement gourmande en énergie et en eau, avec l’utilisation fréquente de produits chimiques pour ralentir la fonte, mais elle offre également une surface qui, selon de nombreux athlètes, est imprévisible et potentiellement dangereuse ».

Pour Johanna Taliharm, une biathlète olympique estonienne, les courses de ski sur neige artificielle comportent des risques importants. Elle explique : « La neige artificielle est plus glacée, donc [la vitesse] plus rapide et plus dangereuse. Cela fait aussi très mal si vous tombez en dehors du parcours lorsqu’il n’y a pas de banc de neige duveteux, mais un sol dur rocheux et boueux. »

Selon les skieurs et les experts interrogés, la neige artificielle a un taux d’humidité plus élevé, ce qui rend la poudreuse rapidement glacée.

Chris Grover, entraîneur principal de ski de fond de l’équipe américaine de ski : « Elle peut être très dure comme de la pierre et tomber peut donner l’impression de tomber sur du béton, ce qui la rend plus dangereuse que la neige naturelle. »

Certains événements se dérouleront au milieu d’une réserve naturelle

Les Jeux olympiques d’hiver de Pékin se dérouleront sur trois sites, et Yanqing accueillera les épreuves très populaires de ski alpin. Mais les pistes de ski ont été construites au milieu de la réserve naturelle de Songshan, à Yanqing, sur une surface plus grande que mille terrains de football. La construction a nécessité l’abattage de plus de 20 000 arbres, ce qui a été fait au cours des dernières années, pour préparer ces événements sportifs.

Le Comité olympique de Pékin (BOC) s’est engagé à transplanter les arbres — ainsi que 81 hectares de terre végétale — dans un autre endroit situé dans les montagnes au nord de la ville. Le COB a affirmé travailler en étroite collaboration avec l’Université forestière de Pékin et assure que plus de 90 % des arbres ont survécu au « déménagement. »

La professeure Carmen de Jong, sur les ondes de la radio BBC : « L’élimination de la couche [de terre] arable au cours de ce processus [de transplantation] pourrait augmenter considérablement le risque d’érosion et de glissement de terrain, la pollution de l’eau et les dommages aux habitats des animaux. La réserve naturelle a perdu environ 25 % de sa surface…. qui abrite une très grande biodiversité et des espèces protégées comme l’aigle royal. »

Le BOC a été alerté du risque environnemental potentiel dans cette zone dès 2015 par des biologistes chinois, donc le chercheur Wang Xi, de l’Académie chinoise des sciences, qui publiait une carte indiquant le début et la fin des pistes alpines dans la réserve forestière protégée. Et, malgré l’avertissement des scientifiques chinois, le choix initial des sites reste maintenu. La revue Nature a rapporté qu’à l’époque que les messages sur la question sur le réseau social Weibo avaient été très vite supprimés.

Feux verts discutables du Comité international olympique (CIO)

Personne ne peut ignorer que Yanqing, où se trouve le centre de ski, ne reçoit en moyenne que 21 cm de neige par an, depuis des années. Cette question a préoccupé le CIO lors de l’évaluation des villes candidates à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 2022.

Le CIO, à l’époque : « La dépendance de Pékin à l’égard de la fabrication de neige artificielle nécessiterait le détournement de l’eau des réservoirs existants et pourrait avoir un impact sur d’autres utilisations des terres ».

En réponse à ces préoccupations, Pékin insiste sur le fait que l’eau utilisée pour les Jeux olympiques représente moins de 2 % de l’approvisionnement local en eau. Elle affirme également que les canons à neige utilisés nécessitent 20 % d’énergie en moins que ceux utilisés lors des Jeux précédents.

Et le CIO maintient malgré tout : « L’emplacement des Jeux d’hiver dépend d’un certain nombre de considérations, et pas seulement des chutes de neige. Une série de concepts de conservation et de recyclage de l’eau ont été mis en place pour optimiser l’utilisation de l’eau pour la fabrication de la neige, la consommation humaine et d’autres fins. Yanqing est riche en ressources en eau par rapport aux régions voisines. »

La protection de l’environnement ? On en reparlera, mais après les Jeux.

Vo Trung Dung

Photo de Une : © Zoltan Tasi, via Unsplash. 


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