Japon | L’assassinat de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe transformera radicalement les priorités politiques du Japon, à la fois, sur le plan intérieur qu’extérieur, car le pays vient de perdre un géant qui a su bouleverser le paysage politique depuis les coulisses.
Vers 11 h 30 vendredi, Abe Shinzo, qui a été deux fois Premier ministre du Japon, a été abattu par deux tirs de pistolet artisanal, dans une rue de la ville de Nara, dans l’ouest du pays. Il y faisait campagne pour l’élection législative de la chambre haute du Parlement. Transporté par hélicoptère à l’hôpital de la ville, il est décédé vers 17 h 03.
Il était âgé de 67 ans.
Qui est l’auteur présumé de l’assassinat ?
A la police, le suspect qui aurait tiré sur l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe a déclaré qu’il en voulait à une « organisation secrète » et qu’il pensait qu’Abe avait un lien avec ce groupe. Pour lui, il ne s’agit pas « d’une affaire politique ».
Le suspect, désormais en détention pour « tentative de meurtre », est identifié par les services de sécurité comme étant Tetsuya Yamagami. Il est âgé de 41 ans, et un ancien militaire de la Marine japonaise. Le suspect a fabriqué lui-même le pistolet, d’une longueur de 40 cm — utilisé pour l’assassinat. La police de Nara en a trouvé d’autres lorsqu’elle a perquisitionné le domicile de Tetsuya Yamagami.
Après l’armée, à l’automne 2020 Tetsuya Yamagami travaillait dans une usine dans la région du Kansai, dans l’ouest du Japon. Il est décrit comme un ouvrier « sans problème, sans convictions politiques ». Mais, en mai, Yamagami a démissionné en disant que « les choses étaient difficiles », d’après des témoignages recueillis par la police.
Abe Shinzo, l’homme du renouveau japonais.
Le plus ancien Premier ministre du Japon a laissé une marque forte sur l’agenda politique du pays au cours des dix dernières années. Après que M. Abe et son Parti libéral-démocrate (LDP) ont repris le pouvoir en 2012. Dans la foulée, Abe Shinzo a immédiatement entrepris de remodeler la politique économique du Japon. Il n’y avait pas de vaches sacrées dans l’administration d’Abe. Sur le plan géopolitique, il a créé, en 2013, le Conseil de sécurité nationale mis sous le contrôle direct du Premier ministre.
L’année suivante, Abe Shinzo a fait réinterpréter la Constitution de 1945. Cette nouvelle interprétation autorise — sous condition — « l’autodéfense collective. » La réforme de l’article 9 permet au Japon et à ses armées un retour, en tant que puissant, sur la scène internationale. Abe Shinzo est aussi le promoteur, en 2016, du concept fondateur d’une « Indo-Pacifique libre et ouverte ». Par la suite, les États-Unis ont renommé leur « Commandement du Pacifique » en « Commandement indopacifique ». En vue : l’expansion militaire de la Chine ! Et les principaux pays européens ont commencé à élaborer des stratégies indopacifiques. Abe Shinzo a été le principal défenseur du doublement des dépenses de défense au cours des cinq prochaines années. Cet objectif figure désormais dans le plan économique gouvernemental actuel.
Le gouvernement d’Abe a transformé les politiques monétaires, fiscales et de sécurité nationale traditionnelle du Japon. Son héritage politique a constitué la pierre angulaire des programmes politiques qui ont perduré dans les administrations de ses successeurs, d’Yoshihide Suga et de Fumio Kishida.
Les conséquences sur la politique japonaise.
La mort d’Abe Shinzo va certainement transformer la dynamique politique au sein du LDP, dont M. Abe était la force motrice. Car, on ne sait pas qui devrait prendre la tête du courant politique interne d’Abe Shinzo, appelé Seiwa Seisaku Kenkyukai, au sein du parti dirigeant. L’assassinat de vendredi ébranlerait le programme politique à long terme du LDP.
Il y aura également des incidences sur la stratégie régionale et internationale du Japon. Sur le plan diplomatique, Abe était considéré comme un homme d’État avisé qui avait renoué des liens avec les principaux dirigeants mondiaux. Il entretenait une relation étroite avec l’ancien président américain Donald Trump. Cette relation a permis à Abe Shinzo de mettre la « stratégie indo-pacifique libre et ouverte » en avant, et en pratique. Et en prenant des sanctions, en mars, à l’encontre de Moscou pour l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Tokyo met en évidence le vrai grand retour du Japon à la diplomatie internationale. La mort d’Abe Shinzo jettera, sans doute, une ombre sur les capacités diplomatiques du Japon, à venir.
Vo Trung Dung
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Photo de Une fournie par le gouvernement du Japon via l’agence de presse Kyodo.
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