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L'armée américaine en exercices - Crédit photo ©US Army-Ministère de la Défense des Etats-Unis

Le budget 2019 de la Défense américaine met la Chine et la Russie en ligne de mire

Le projet de loi sur le budget de la Défense pour l’exercice 2019, représentant 716,3 milliards de dollars, a été adopté le 1er août 2018 par le Sénat américain par un vote de 87 voix contre 10. Ayant déjà reçu l’approbation de la Chambre des Représentants (359-54) une semaine auparavant, il doit maintenant être ratifié par le président Donald Trump. Le budget de 2019 « cible » sans avoir besoin de se cacher la Russie et en particulier la Chine.

La John S. McCain National Defense Authorization Act (NDAA) pour l’année fiscale 2019 — une loi fédérale définissant le budget du ministère américain de la Défense —  augmentera la dotation de l’armée américaine. Elle commencera par la hausse des salaires de militaires à hauteur de 2,6%, mais aussi par la dépense de dizaines de milliards de dollars pour la modernisation des forces armées. Sur ce dernier point, Washington dépensera près de 7,6 milliards de dollars consacrés à l’achat de 77 avions de combat interarmées F-35 fabriqués par Lockheed Martin Corp.

Dans la droite ligne de la stratégie de défense nationale des Etats-Unis de 2018, la NDAA est centrée sur la rivalité entre les Etats-Unis et les autres grandes puissances, telle que la Russie, et plus particulièrement la Chine qui représente un défi majeur pour les Américains, tant au niveau économique qu’au niveau militaire.

 

(Vidéo publicitaire de l’avion de combat F-35 fournie par son constructeur Lockheed Martin Corp) 

 

La Chine et ses entreprises dans le viseur

La loi sur le budget du Pentagone a été l’occasion pour les législateurs d’adopter de nouvelles règles permettant de freiner les investissements chinois aux Etats-Unis et d’interdire le gouvernement de recourir aux technologies des entreprises de télécommunication chinoises pour des raisons de sécurité nationale. Il est aussi question de lutter contre l’influence de Pékin en limitant par exemple les financements publics à destination de programmes universitaires de langue chinoise dans les universités américaines hébergeant des Instituts Confucius.

Ainsi, la loi renforce et élargit les pouvoirs du Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS), une organisation interministérielle dirigée par le département du Trésor. Elle veillera à ce que les investissements étrangers ne nuisent pas à la sécurité nationale.

« Cet accord garantit que les réformes du CFIUS sont étroitement concentrées sur la sécurité nationale tout en maintenant les portes de l’Amérique ouvertes aux investissements », a déclaré le représentant Jeb Hensarling, président de la Commission des services financiers de la Chambre des Représentants.

Les législateurs ont finalement renoncé à un amendement qui aurait rétabli les sanctions contre le groupe de télécoms chinois ZTE accusé d’avoir violé les embargos sur l’Iran et la Corée du Nord, dans le but d’éviter un potentiel veto du président Trump. Les dispositions de la NDAA introduisent toutefois des mesures de contrôle sur les contrats conclus entre le gouvernement américain et les entreprises ZTE Corporation et Huawei Technologies Co. Ltd., bien que les restrictions soient plus faibles que prévues initialement.

Un signal pour les alliés américains face à la militarisation de la Chine en Mer de Chine méridionale

Conscient que la militarisation croissante de la Chine représente une menace pour les intérêts nationaux, la stratégie de Washington vise à renforcer la posture américaine en Mer de Chine méridionale ainsi que les partenariats militaires des Etats-Unis avec les pays de la région.

Alors que la Chine a été exclue des exercices maritimes multilatéraux Rim of the Pacific Exercise (RIMPAC) en mai dernier, le NDAA vient renforcer l’interdiction de la participation chinoise. Elle exige que Pékin mette fin à toutes ses activités visant à récupérer des territoires en Mer de Chine méridionale, et à retirer ses systèmes d’armes de ses avant-postes, sous peine du maintien de l’exclusion. Par ailleurs, le Congrès américain exige au Pentagone de présenter des rapports sur les installations et déploiements d’armes chinoises dans cette région litigieuse.

Les dispositions du NDAA à propos de la mer de Chine méridionale sont « un signal pour nos alliés et partenaires de la région – en particulier l’Australie, le Japon et Taiwan – que les activités de la Chine en mer de Chine méridionale ne sont pas acceptées. » a déclaré Rachael Burton, directrice adjointe du Project 2049 Institute, au Wall Street Journal.

Un compte-rendu de la conférence accompagnant le projet de loi restreint le financement de la réduction des troupes en Corée du Sud à moins de 22 000 soldats, à moins que le secrétaire à la Défense James Mattis, ne certifie qu’un tel retrait ne « compromettrait pas significativement la sécurité des alliés des Etats-Unis dans la région ». Une telle réduction ne pourrait se faire sans consultation préalable des gouvernements sud-coréen et japonais.

Enfin, le projet contient un passage — section 1243 — sur Taïwan indiquant que « les Etats-Unis devraient renforcer leur coopération en matière de défense et de sécurité avec Taiwan afin de soutenir le développement des forces de défense capables, prêtes et modernes nécessaires à Taiwan pour maintenir une capacité d’autodéfense suffisante ».

Pékin n’a pas tardé à exprimer son mécontentement et son opposition à ce projet de loi américain. Interrogé sur le sujet au cours d’une conférence de presse, le porte-parole du Ministère des affaires étrangères Geng Shuang a déclaré : « Nous exhortons les Etats-Unis à abandonner la mentalité dépassée de Guerre froide et de jeu à somme nulle, de ne pas permettre un projet de loi comportant des contenus négatifs liés à la Chine se transformer en loi […] au risque de saper les relations sino-américaines et la coopération dans des domaines clés ».

Greg Poling, spécialiste de la Chine au Center for Strategic and International Studies (CSIS) explique au Business Insider que le NDAA incommode la Chine car elle « met en lumière » des activités chinoises que Pékin aurait préféré passer sous silence. « La NDAA se concentre sur un nouvel élément de notre politique étrangère — notre rivalité avec la Chine », a-t-il expliqué, ajoutant que plusieurs sections du projet de loi sur la Défense sont consacrées à « nommer et à faire honte » Pékin.

Par Nguyen Thuy Khang et Vo Trung Dung.

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Sources (en anglais) :

Pour en savoir plus :

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