Géopolitique Diplomatie Economie Mer de Chine

APPLE Illustration — ©DR Rights reserved

Apple et Dépendance !

Apple dépend de plus en plus de ses sous-traitants chinois. Le nombre de fournisseurs d’Apple en provenance de Chine ne cesse de grimper année après année. Les causes exactes de ce mouvement restent floues.

Apple, la marque à la pomme, a beau avoir son siège social en Californie, à Cupertino, la firme n’a jamais été autant dépendante de sociétés chinoises à la notoriété bien plus faible que le géant du high tech grand public.

Dans un document rendu public en février 2018, l’entreprise a présenté la liste de ses 200 principaux fournisseurs qui représentent 98% de ses dépenses d’approvisionnement. Parmi eux, 27 sont basés en Chine. Et même 36 en rajoutant ceux basés à Hong Kong. A peine plus d’un sur sept, certes, mais un bond considérable en un an. Ils n’étaient que 19 début 2017 et seulement sept en 2012. En outre, Apple n’a pas détaillé la part de chacun dans ses dépenses d’approvisionnement et le chiffre est probablement considérable. En effet, parmi les nouveaux entrants, certains sont des poids lourds du secteur des produits intermédiaires dans la fabrication des produits finis à destination du grand public. Apple fait reposer une partie de la fabrication de ses produits à des mastodontes, certes peu connus en Occident, comme BOE Technology Group, un fabriquant d’écrans ou Jiangsu Changjiang Electronics Technology qui propose emballage et tests des puces.

La présence de ces deux acteurs parmi le top 200 des fournisseurs d’Apple n’est peut-être qu’un début. BOE Technology par exemple ne fabrique pas encore d’écrans pour l’iPhone, mais il équipe les MacBooks — les ordinateurs de la marque — et les iPads, les tablettes tactiles. Surtout, le géant chinois espère imposer sa technologie d’écrans utilisant une diode électroluminescente organique  (OLED) sur les téléphones du Californien. Pour cela, il devra s’imposer face à Samsung Electronic le fournisseur « historique » — rejoint depuis juin par LG — d’écrans OLED pour l’iPhone X, le mobile haut de gamme de Apple doté de cette technologie. L’entreprise fondée par Steve Jobs a annoncé qu’elle fera jouer la concurrence pour sa future gamme de mobile qui sera dévoilée en septembre.

Jiangsu Changjiang Electronics Technology de son côté essaie de se faire une place face au géant ASE Group de Taïwan, qui gère le marché de l’assemblage des puces pour iPhones. Mais l’entreprise chinoise peut compter sur le soutien de Pékin qui aide son champion des puces et semi-conducteurs à se faire une place en Asie dans un marché dominé par les Taïwanais et les Sud-Coréens.

Mais pourquoi une telle accélération des acteurs économiques chinois dans le carnet des prestataires d’Apple ? Pour les observateurs économiques, la réponse n’apparaît pas très clairement. Bien sûr, depuis dix ans, les fournisseurs chinois deviennent de plus en plus compétitifs grâce aux progrès en termes de savoir-faire et le soutien à grands coups de subventions de l’Etat chinois, mais est-ce la seule raison ?  Difficile de ne pas imaginer que Pékin ne mette pas la pression à l’entreprise à la pomme pour placer ses pions qu’elle soutient mordicus. Et la Chine — où Apple a réalisé un chiffre d’affaires record au dernier trimestre 2017 — a déjà montré sa capacité à dicter ses souhaits à la société américaine.

Le 28 février 2018, Apple qui aime à communiquer sur sa politique de protection des données face aux exigences des autorités américaines a accepté que les données des utilisateurs chinois sauvegardées sur le service iCloud soit stockées en Chine et non plus aux Etats-Unis. L’hébergeur en question est la société Guizhou-Cloud Big Data… subventionnée par Pékin. Dans le passé, Apple s’était déjà sagement plié aux exigences des autorités chinoises, notamment en retirant des applications proposées sur son « store » permettant de contourner des dispositifs de blocages imposés par Pékin à ses citoyens.

Et l’entente cordiale, mais ambiguë, entre la firme et Pékin risque d’ailleurs de se poursuivre puisque Apple devrait échapper à toutes les sanctions économiques imposées par Donald Trump sur la Chine dans le but de réduire le colossal déficit commercial de 500 milliards de dollars entre les deux pays. De quoi permettre à la firme de ne pas envisager de délocaliser de nouveau sa production en Asie du Sud-Est, région qui échappe aux sanctions américaines et où Harley Davidson a, par exemple, décidé de relocaliser sa production.

Mais la question de ces nouveaux entrants a peut-être aussi une autre origine : la volonté de certains fournisseurs de réduire leur collaboration — et donc leur dépendance — avec Apple. La nature ayant horreur du vide, ce sont alors les fournisseurs chinois qui s’engouffrent dans la brèche. Le cas le plus notable est celui du taïwanais Hon Hai — mieux connu sous le nom de Foxconn, le plus gros fournisseur du géant américain puisque c’est cette société, qui opère en réalité en Chine continentale mais qui n’est pas chinoise, qui essaie de réduire la place de l’iPhone dans son activité. Si 51% des ventes de l’entreprise proviennent encore de l’iPhone en 2017, ce chiffre est tombé à 45% au premier trimestre 2018. Les dirigeants de l’entreprise qui emploie 1,3 million de salariés — et qui prévoit d’ouvrir une usine aux Etats-Unis —  ont un objectif clair : réduire son attache à la société de Cupertino après les ventes décevantes de l’iPhone X qui ont fait plonger les cours de bourse et souligné la fragilité de ce modèle économique.

L’explication de la tendance actuelle ne viendra en tout cas pas d’Apple : si la liste des sous-traitant a été publiée par l’entreprise elle-même, elle n’a cependant souhaité répondre aux questions de la presse sur ce sujet.

Par Damien Durand

___

#NotaBene : Fournir Apple ne vous amène pas toujours au sommet !

Faire partie de la liste des 200 fournisseurs d’Apple et être pressenti pour prendre une place prépondérante dans la fabrication des mobiles de la marque n’est pas la garantie de la confiance des marchés. Si BOE Technology Group a pu se satisfaire de sa place sur la liste des 200, celle-ci a dû faire face depuis à une tornade : celle de la chute de son cours en bourse. Depuis le début de l’année, l’action de l’entreprise a perdu plus de 30% de sa valeur. La cause? La baisse continue des prix des écrans larges de téléviseurs face à une offre qui a explosé par rapport à la demande. Quel rapport avec Apple ? Aucun rapport avec Apple dans l’absolu, mais le signe que les marchés ne considèrent pas l’accroissement de la collaboration avec la firme californienne comme acquise ou tout simplement… comme un vrai relais de croissance par rapport au métier d’origine de l’entreprise chinoise.

Derniers articles dans Actualité

Go to Top