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© US Navy Harpoon Missiles Système.

Taïwan et 2,4 mds de dollars d’armes américains

Les États-Unis ont déclaré lundi qu’ils avaient approuvé la vente de 100 systèmes de défense côtière Harpoon à Taïwan pour un montant de 2,4 milliards de dollars, défiant ainsi la colère de Pékin à propos d’un accord de missiles d’un milliard de dollars conclu la semaine dernière.

L’accord porte sur 100 systèmes de défense côtière Harpoon (HCDS), qui comprennent 400 missiles RGM-84L-4 Harpoon Block II à lanceur de surface d’une portée d’environ 125 kilomètres. Les missiles, fabriqués par Boeing, peuvent être positionnés sur des plates-formes fixes ou montés sur des camions.

Dans la semaine du 19 octobre, les États-Unis ont aussi déclaré qu’ils avaient approuvé la vente, pour un milliard de dollars, de 135 missiles de croisière AGM-84H SLAM-ER à guidage de précision et à lancement aérien — qui, contrairement au système Harpoon, ont une portée supérieure à la largeur du détroit de Taïwan qui sépare l’île de la Chine continentale.

L’annonce est intervenue quelques heures seulement après que Pékin ait déclaré qu’il sanctionnerait les entreprises américaines impliquées dans une vente d’armes antérieure à Taipei. En réponse, Pékin a annoncé le 26 octobre qu’il imposerait des sanctions à Lockheed Martin, une division de la défense de Boeing et à d’autres entreprises américaines impliquées dans la vente d’armes. On ne connait pas encore les modalités de ces éventuelles sanctions.

La capacité de défense taïwanaise renforcée

La vente proposée des systèmes Harpoon « contribuera à améliorer la sécurité du Taiwan et à maintenir la stabilité politique, l’équilibre militaire… et le progrès dans la région », a déclaré Washington dans un communiqué.

Le bureau du président taïwanais Tsai Ing-wen a publié une déclaration remerciant les États-Unis pour cette vente, affirmant qu’elle permettrait « d’améliorer les capacités de guerre asymétrique ».

Taïwan, pays démocratique et indépendant, vit sous la menace constante d’une invasion par la Chine, dont les dirigeants considèrent l’île comme faisant partie de leur territoire. Pékin a fait le vœu de s’emparer un jour de ce territoire, par la force si nécessaire. La Chine a intensifié la pression diplomatique et militaire sur Taïwan depuis l’élection de Tsai Ing-wen en 2016, qui considère l’île comme une nation souveraine de facto et non comme une partie de la « Chine unique ».

Des avions de chasse et des bombardiers chinois sont entrés dans la zone de défense aérienne de Taïwan avec une fréquence sans précédent ces derniers mois, tandis que des films de propagande ont montré des attaques simulées sur des territoires similaires à Taïwan et sur des bases américaines à Guam.

 

Note de la rédaction : Vidéo de promotion du système Harpoon.

Les caractéristiques techniques et de défense des systèmes Harpoon

Si l’on regarde en détail, l’ensemble comprend jusqu’à 100 systèmes de défense côtière Harpoon (HCDS) et les équipements connexes, dont jusqu’à 400 missiles antinavires à lanceur de surface RGM-84L-4 Harpoon Block II, plus quatre séries d’entrainement RTM-84L-4, selon l’Agence de coopération pour la défense et la sécurité (DSCA) de l’armée américaine. Cet ensemble inclut aussi 100 unités de transport de lanceurs HCDS et 25 camions radar.

En outre, Taïwan recevrait diverses pièces de rechange et de réparation, du matériel de soutien et d’essai, de la documentation technique, de la formation du personnel et du matériel d’entraînement, ainsi que l’assistance technique du gouvernement américain et des fabricants, des services d’ingénierie et de soutien logistique et d’autres éléments de soutien.

Si le Harpoon n’a pas la vitesse proche du supersonique ou les caractéristiques furtives des missiles antinavires les plus avancés proposés aujourd’hui à l’armée américaine, dans sa version Block II, il reste une arme très performante qui offre à Taïwan une réponse éprouvée et relativement peu coûteuse à la défense côtière.

Empruntant la technologie de la « munition d’attaque directe conjointe » (JDAM) de Boeing et du missile d’attaque terrestre Standoff (SLAM-ER), le missile Block II comprend un récepteur GPS et un système de contrôle de vol avancé pour se diriger avec précision vers sa cible, même dans des environnements côtiers complexes. Il est également doté d’une liaison de données bidirectionnelle qui permet de modifier la trajectoire du missile en plein vol contre des cibles maritimes et terrestres, si nécessaire.

Le Harpon est guidé par radar, ce qui a ses avantages et ses inconvénients. Le plus grand avantage est qu’il peut fonctionner par tous les temps, mais ses émissions radar peuvent être détectées par l’ennemi et potentiellement brouillées. Certains missiles antinavires plus récents utilisent l’infrarouge pour le guidage des terminaux, ainsi que des capteurs RF passifs. Cela rend le missile plus résistant, mais aussi plus vulnérable au risque de rater sa cible en raison du mauvais temps et des contre-mesures infrarouges.

Selon la DSCA, les missiles « amélioreront la capacité [de Taïwan] à répondre aux menaces actuelles et futures en fournissant une solution flexible pour augmenter les défenses de surface et aériennes existantes. Le Taiwan sera en mesure d’utiliser un système hautement fiable et efficace pour contrer ou dissuader les agressions maritimes, les blocus côtiers et les attaques amphibies ».

Au-delà des capacités spécifiques du Harpoon, la vente de 400 nouveaux missiles antinavires représenterait un énorme coup de pouce pour les forces de défense côtière terrestres de la marine de la République de Chine. L’armée du pays utilise actuellement les missiles de croisière antinavires de fabrication locale Hsiung Feng II et Hsiung Feng III, ce dernier étant supersonique, mais les experts d’armement pensent que la capacité de production locale de ces armes est insuffisante pour suivre le rythme de la prodigieuse production de navires de guerre de Pékin.

L’ambivalence de Washington

Washington entretient depuis toujours une ambiguïté diplomatique et stratégique vis-à-vis de la question taïwanaise. D’un côté, les États-Unis reconnaissent la politique « Une seule Chine » de Pékin sur Taipei, mais Washington est également tenu par un pacte — voté par le Congrès — de défense et de soutien à Taïwan par les ventes d’armement.

Contrairement à leurs alliés comme le Japon, la Corée du Sud et les Philippines, les États-Unis ne se sont jamais ouvertement engagés à défendre Taïwan en cas d’invasion. Mais ils maintiennent que tout changement du statut futur de Taïwan ne doit pas être fait par la force.

Jusqu’alors, les différentes administrations américaines pratiquaient avec parcimonie les ventes d’armes à Taïwan par peur de provoquer Pékin. Mais le président américain Donald Trump n’a pas pris beaucoup de gants, en approuvant de multiples ventes de plusieurs milliards ces dernières années, alors qu’il s’oppose à la Chine sur une foule de fronts : commerce, technologie, et bien d’autres.

Par Vo Trung Dung, avec les agences.


Photographie de Une : © US Navy

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