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RIMPAC 2018 © US Navy

Le Viet Nam, le QUAD et la Chine

Le Viet Nam rejoindra-t-il le Quad pour défier la Chine ? Le 20 mars 2020, le Viet Nam — ainsi que la Nouvelle-Zélande et la République de Corée — a été invité à se joindre à une conférence téléphonique avec les membres du « Dialogue quadrilatéral sur la sécurité », un forum plus connu sous l’acronyme « Quad », qui réunit quatre pays : l’Australie, l’Inde, le Japon et les États-Unis. Un « Quad + 3 » est-il en devenir ?

Ce forum de mars 2020 réunissant 7 membres, appelé « Quad Plus », a discuté des mesures de lutte contre la COVID-19 et a convenu d’appels hebdomadaires à la coopération sur des questions connexes, telles que l’assistance économique et le développement de vaccins. Il s’est également efforcé de réduire la dépendance à l’égard de la Chine dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.

Quid du Quad

Puisque le Quad est largement perçu comme un « bloc antichinois », le Viet Nam continuera-t-il à travailler étroitement avec le groupe après la crise sanitaire ? Pour répondre à cette question, nous devons comprendre ce qu’est le Quad, comprendre pourquoi la Chine est un problème, pourquoi le Viet Nam est un bon complément de Quad et si le Hanoi devrait se joindre au quartet pour contrer la Chine.

La Quad a tenu sa première réunion à l’échelon des hauts fonctionnaires en 2007 pour discuter des questions de sécurité régionale. La Chine a alors considéré le bloc comme une menace contre elle. En 2008, l’Australie s’est retirée du groupe pour faire plaisir à Pékin. Néanmoins, le Quad a refait surface en 2017 avec un enlignement plus fort et un engagement plus important, le bloc ayant élevé ses réunions au niveau ministériel en 2019.

Une initiative japonaise

Les fondements géographiques et idéologiques du Quad ont été envisagés par le Premier ministre japonais Shinzo Abe lors de son discours intitulé « Confluence des deux mers » — l’océan Pacifique et l’océan Indien — au Parlement indien en 2007. L’idée était de réunir le Japon et l’Inde dans le cadre d’une « Asie élargie », puis d’intégrer les États-Unis et l’Australie dans un vaste réseau traversant l’ensemble de l’océan Pacifique.

Ce groupe est composé de « pays partageant les mêmes idées » afin d’assurer la sécurité des voies maritimes dans les « mers de la liberté et de la prospérité ». Les quatre nations ont affirmé leur soutien à un ordre fondé sur des règles et se sont engagées à coopérer étroitement en matière de sécurité maritime, d’infrastructures de qualité et de connectivité régionale. L’objectif est de permettre aux personnes, aux biens, aux capitaux et aux connaissances de circuler librement dans un réseau ouvert et transparent.

La posture chinoise

Pendant ce temps, la Chine, qui revendique la quasi-totalité de la Mer de Chine méridionale, a fait valoir ses revendications de manière agressive par une série d’actions illégales qui menacent la sécurité régionale et la prospérité économique.

Elle a systématiquement entravé l’exploitation du pétrole et du gaz d’autres pays en Mer de Chine méridionale, dont le Viet Nam. Pékin aurait menacé d’attaquer les îles et îlots vietnamiens dans les îles Spratleys si Hanoï poursuivait son exploration pétrolière et gazière à moins de 200 miles nautiques de la zone économique exclusive (ZEE) du Viet Nam, mais chevauchait la ligne dite de « Neuf Traits » de la Chine. Ligne qui a été jugée invalide et non fondée par la Cour permanente d’arbitrage de La Haye (CPA) en 2016 dans l’affaire initiée par les Philippines. Cédant aux pressions de la Chine, le Viet Nam a ordonné à l’entreprise énergétique espagnole Repsol de suspendre deux de ses projets en juillet 2017 et mars 2018. Les États-Unis ont critiqué la coercition de la Chine comme une menace pour la sécurité énergétique régionale et le marché énergétique indopacifique libre et ouvert.

De plus, la Chine s’est immiscée à plusieurs reprises dans les eaux vietnamiennes. Notamment, Pékin a déployé une plate-forme pétrolière d’État dans la ZEE du Viet Nam, ce qui a conduit à une série de protestations et d’émeutes antichinoises dans tout le pays. Entre début juillet et fin du mois d’octobre 2019, Pékin a de nouveau envoyé un navire d’exploration océanique avec des escortes de la marine de guerre à Vanguard Bank, qui s’est approché à 65 miles nautiques de la côte de la province de Phu Yen, dans le Centre.

Les navires des garde-côtes chinois (GCC) ont été vus dans les eaux d’autres pays et ont harcelé leurs pêcheurs. Lors d’un incident survenu en avril 2020, un bateau de pêche vietnamien a été éperonné et coulé par la GCC. Les États-Unis ont été « sérieusement préoccupés » par cet incident et ont appelé la Chine à « cesser d’exploiter la vulnérabilité d’autres États pour étendre ses revendications illégales dans la Mer de Chine méridionale ».

Une nouvelle loi, de nouveaux risques de confrontation

En novembre 2020, l’Assemblée nationale chinoise a construit un projet de nouvelle loi accordant à la GCC la permission d’utiliser des armes dans les « eaux juridictionnelles » revendiquées par le pays, ce qui augmente les risques de conflits armés dans les zones contestées de la Mer de Chine méridionale.

En outre, la Chine a procédé à la militarisation à grande échelle des zones contestées depuis 2014. Elle a déployé un large éventail de missiles sur ces îles artificielles, qui pourraient être utilisés pour empêcher d’autres pays d’accéder aux domaines maritimes et aériens de la Mer de Chine méridionale.

Parmi les nations d’Asie du Sud-Est, le Viet Nam demeure le plus farouche opposant à l’affirmation territoriale de la Chine, les deux pays étant impliqués dans des litiges bilatéraux et multilatéraux concernant la propriété des îles Paracels et Spratleys respectivement. Dans sa Note verbale aux Nations Unies, Hanoi a réaffirmé sa souveraineté sur les deux archipels et s’est opposé à toute revendication maritime dans la Mer de Chine méridionale qui dépasserait les limites prévues par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, y compris les revendications de droits historiques.

Les batailles diplomatiques de Hanoi

Hanoi a soutenu la procédure d’arbitrage dans le cadre du procès des Philippines contre la Chine et s’est félicité de la décision rendue en 2016. Il a également exprimé son appréciation pour les opérations de liberté de navigation menées par les États-Unis et leurs alliés, qui sont importantes pour le respect du droit international.

Le Viet Nam s’est également tourné vers l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour faire entendre sa voix collective et a travaillé à la conclusion d’un code de conduite depuis qu’il en est devenu membre en 1995. Outre l’ASEAN, le Hanoi a soulevé les différends relatifs à la Mer de Chine méridionale dans d’autres forums internationaux, tels que le Forum régional de l’ASEAN et le Sommet de l’Asie de l’Est, où il peut exprimer ses préoccupations et obtenir un soutien international pour sa position.

Quad ou pas Quad ?

D’une part, le Viet Nam a de fortes motivations pour rejoindre la Quad, car les actions de la Chine en Mer de Chine méridionale ont des répercussions directes sur la souveraineté et les intérêts nationaux du Viet Nam.

D’autre part, la Chine joue un rôle extrêmement important dans le développement économique et la survie du régime vietnamien. Les deux pays partagent une idéologie socialiste, et la Chine est le plus grand partenaire commercial du Viet Nam depuis 2004.

Hanoi a tenté d’établir des relations étroites de parti à parti avec Pékin pour atténuer les différends en Mer de Chine méridionale. Bien que le Viet Nam puisse être d’accord avec les objectifs fondamentaux du Quad, il est peu probable qu’il soit enthousiaste à l’idée d’ajouter publiquement son nom à un groupe qui cherche à contrer la Chine.

Le Viet Nam pourrait être plus à l’aise pour rejoindre des mécanismes qui se concentrent sur les aspects économiques plutôt que sur les questions de sécurité, comme le « Réseau de prospérité économique » dirigé par les États-Unis qui vise à diversifier les chaînes d’approvisionnement pour réduire la dépendance à l’égard de la Chine. Hanoi choisirait sans doute cette voie de contournement pour parvenir à faire partie du Quad, dans le même temps, « sans y être ».

Ce réseau est composé de « pays partageant les mêmes idées », d’entreprises, d’institutions et de la société civile qui travaillent selon un ensemble de « principes de confiance » et de valeurs communes, notamment la responsabilité, la réciprocité, la transparence, le respect de l’État de droit et le respect de la souveraineté des nations. Il est important de noter que le Réseau pour la prospérité économique n’empêche pas ses membres de travailler avec un pays extérieur au réseau et ne les oblige pas à choisir entre la Chine et tous les autres pays.

Tran T. Bich (Washington DC)

Bio : Tran T. Bich est doctorante à l’Université d’Anvers (Belgique) et chercheuse au Centre de recherche sur les affaires mondiales de l’Université Ryukoku (Japon).

Traduit de l’anglais par Vo Trung Dung.

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Illustration de Une : Exercices RIMPAC 2018, © US Navy


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