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L’Indonésie : le vol SJ182 de Sriwijaya Air

Reportage | Les autorités vont analyser les enregistrements de vol de la première boite noire de l’avion de Sriwijaya pour déterminer la cause de l’accident. Dans l’attente des conclusions, qui ne devront qu’arriver dans plusieurs mois, cet accident ravive les inquiétudes sur la sécurité aérienne des compagnies intérieures indonésiennes.

La météo devient plus clémente. Les vagues de 2 mètres du mercredi et du jeudi sont parties. Dans les reflets bleutés de la mer de Java, des navires, des commandos de marins, des sauveteurs en mer s’activent à repêcher et à remonter des corps, des restes humains et de l’avion, des objets personnels.

Le navire d’exploration Baruna Jaya IV effectue depuis jeudi un relevé du fonds marin dans la zone du crash à l’aide d’un robot sous-marin. Dans le ciel, les avions de reconnaissance de l’armée de l’Air ratissent dans un rayon plus large afin de repérer des débris emportés par les courants marins.

Le crash

Le vol SJ182 de Sriwijaya Air s’est écrasé dans la mer samedi 9 janvier 2021 avec 62 personnes à bord, passagers et membres de l’équipage, après quelques minutes de son décollage de l’aéroport de Djakarta pour Pontianak, dans l’île de Bornéo. Parmi les passagers, il y a 10 enfants dont 3 bébés.

Il a été retardé de 56 minutes à Djakarta, selon FlightRadar24, en raison des fortes pluies qui se sont abattues sur la capitale indonésienne. Le rapport météorologique officiel de l’aéroport international de Soekarno-Hatta, environ 10 minutes avant le crash, indiquait qu’il y avait une légère pluie avec un plafond nuageux commençant à 1 800 pieds. La météo a été un facteur dans plusieurs crashs en Indonésie, qui a l’un des pires records au monde en matière de sécurité aérienne après que son marché se soit développé à un rythme effréné.

Trois jours plus tard, les plongeurs de la marine nationale ont récupéré l’enregistreur de données de vol (FDR), l’une des deux boîtes noires à bord de l’avion. Il faudrait deux à cinq jours pour lire les données. Une balise de l’autre boîte noire, l’enregistreur de voix du cockpit (CVR), avait également été localisée près de l’enregistreur de données de vol.

Hadi Tjahjanto, chef de l’État-major de l’armée de l’Air : « Nous sommes certains que l’enregistreur de voix du cockpit sera également trouvé bientôt. »

Le choc des familles

À l’aéroport de Djakarta, dans le terminal des vols domestiques, les proches des passagers et de l’équipage désemparés attendaient des nouvelles des corps. Avec une seule certitude désormais : il n’y a pas de survivant.

« J’ai quatre membres de ma famille sur le vol, ma femme et mes trois enfants, a raconté Yaman Zai en sanglotant. Ma femme m’a envoyé une photo du bébé aujourd’hui… Comment mon coeur ne pourrait-il pas être déchiré en morceaux ? »

Pour l’heure, les autorités ont pu identifier 7 victimes, du personnel navigant et des passagers. 

 

(A regarder sur la chaîne Youtube de l’AFP)

Les crashs en série

Le dernier crash en date est le 46e accident mortel en Indonésie depuis 2000, selon le site d’information sur l’aviation Aviation Safety Network, un chiffre nettement supérieur à ceux de ses pairs de la région. La Thaïlande en a enregistré six au cours de la même période, et la Malaisie trois.

Les deux derniers accidents mortels ont entaché l’industrie du pays, qui semblait améliorer les normes de sécurité. En 2016, l’administration fédérale américaine de l’aviation a annoncé que l’Indonésie avait été classée dans la catégorie 1 après avoir satisfait aux normes de sécurité fixées par l’Organisation de l’aviation civile internationale. Les compagnies aériennes indonésiennes ont également été retirées en 2018 de la liste noire de l’UE des opérateurs qui ne respectent pas ses normes de surveillance réglementaire.

Peu après la décision de l’UE, un avion de la compagnie à bas prix indonésienne Lion Air s’est écrasé, tuant les 189 personnes à bord. Le consensus était que la cause principale de l’accident était la conception défectueuse du système anti-décrochage de l’avionneur Boeing. Ce système a ensuite été mis en cause dans un autre accident survenu en Éthiopie en 2019. Il s’agissait dans les deux cas d’un Boeing 737 Max.

Ła compagnie Sriwijaya Air

Le groupe Sriwijaya exploite principalement des liaisons intérieures et détenait la troisième plus grande part de marché avec 13 %.

Selon l’Aviation Safety Network, le dernier accident mortel de Sriwijaya Air remonte à 2008, lorsqu’un avion a dérapé de la piste et tué un agriculteur. Entre cet accident et celui de samedi, la compagnie aérienne a été impliquée dans trois incidents non mortels, mais qui ont quand même conduit à la mise la casse des avions impliqués, car ils étaient irréparables.

L’avion qui s’est écrasé samedi était un Boeing 737-500, vieux de près de 30 ans — un modèle différent du 737 Max, qui a été immobilisé au sol pendant deux ans après les deux accidents mortels décrits ci-dessus.

Bien que les dossiers financiers de Sriwijaya ne soient pas accessibles au public, certains signes indiquent que le groupe était en difficulté financière.

Fin 2018, le groupe devait un total de 2,4 billions de roupies (environ 175 millions de dollars américains) à des entreprises publiques, dont 810 milliards de roupies à la GMF AeroAsia, une filiale de la compagnie nationale Garuda Indonesia, qui assurait l’entretien de la flotte de Sriwijaya à l’époque.

Son incapacité à rembourser ses dettes a en partie conduit la compagnie aérienne Citilink Indonesia à reprendre les opérations de Sriwijaya et du NAM Air cette année-là. Mais après un conflit interne, les deux parties ont mis fin à leur partenariat en 2019. Peu de temps avant cette résiliation, plus de la moitié de la flotte de Sriwijaya était immobilisée au sol par le ministère des Transports en raison de « problèmes de navigabilité. »

L’industrie indonésienne de transport aérien était déjà malmenée ces dernières années. Sa rentabilité a commencé à s’améliorer à partir de 2019. Pour les transporteurs, 2020 aurait dû être un moment de décollage des activités et de la rentabilité, mais la pandémie COVID-19 a changé la donne. Et cette crise actuelle affecte les aspects opérationnels, y compris la sécurité.

Vo Trung Dung, avec Dewi Pr-Tiw à Djakarta


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