Géopolitique Diplomatie Economie Mer de Chine

© Chiho Aoshima - The Humble Fabulist, Japon

CoVid-19 : Le Japon s’entrouvre aux résidents étrangers

Le Japon a commencé à rouvrir timidement ses frontières à des dizaines de milliers de résidents étrangers bloqués à l’extérieur du pays depuis le mois d’avril 2020 en raison de la pandémie de CoVid-19.

Les arrivées à partir de ce mercredi seront toujours « limitées aux résidents étrangers qui ont quitté le Japon avant que les entrées de leur pays d’origine ne soient interdites. Ceux qui sont sortis en connaissance de cause après la date applicable devront attendre plus longtemps, » selon le ministère japonais des Affaires étrangères, qui indique qu’environ 90 000 personnes sont éligibles, sur les quelque 200 000 titulaires de permis de résidence bloqués à l’étranger.

Les gouvernements européens et d’autres pays ont fait pression sur le Japon, le seul pays du G7 à empêcher les résidents permanents de rentrer, pour obtenir la réciprocité pour leurs citoyens.

L’incompréhension des résidents étrangers

Cependant, les citoyens japonais ont pu quitter le pays et y revenir tout au long de la crise, même lorsque le pays était en état d’urgence sanitaire en avril et mai. « Je ne suis pas sûr que nous avons reçu d’explication claire sur les raisons pour lesquelles un résident étranger est plus à risque qu’un ressortissant japonais entrant au Japon », a déclaré à l’agence de presse Nikkei, Christopher LaFleur, président de la Chambre de commerce américaine au Japon.

« Je ne peux pas imaginer un moment plus malheureux pour le Japon de créer des doutes dans la communauté internationale des affaires », a continué Christopher LaFleur. « Si vous êtes une société étrangère qui considère le Japon comme une base pour vos affaires, cela va être un élément dissuasif important, car il y a clairement une discrimination. »

L’interdiction dommageable pour l’économie

Dans une enquête menée par l’Association des des entreprises européennes au Japon, 86 % des plus de 300 entreprises membres ont déclaré que cette interdiction d’entrée sur le territoire leur pesait, et 44 % d’entre elles s’attendant à une perte de revenus.

La difficulté a aussi pesé sur les entreprises japonaises cherchant à collaborer avec des spécialistes étrangers ou à les recruter.

Les universités japonaises s’inquiètent de l’interdiction d’entrée et l’arrêt de la délivrance de visas aux étudiants et chercheurs étrangers. « Les progrès de la recherche conjointe ont été grandement affectés », a écrit l’Association japonaise des universités nationales, dans une lettre publiée par le quotidien Asahi, au ministre de l’Éducation en juillet.

Les universités ont demandé au gouvernement d’inclure les séjours de recherche dans sa liste d’activités exemptées des restrictions d’entrée, pour que les chercheurs japonais et internationaux puisent aller et venir.

Le retour ? Oui, mais c’est compliqué !

Si cette décision d’ouverture sélective des frontières réjouit les résidents étrangers, le processus de réadmission reste très complexe dans sa mise en œuvre.

Quelle que soit leur nationalité, les voyageurs devront passer un test de dépistage du coronavirus dans leur pays d’origine dans les 72 heures avant leur départ, et obtenir une lettre de confirmation certifiant la qualité du test de la part d’une ambassade japonaise. À leur arrivée, ils devront subir un autre test à leur point d’entrée et passer deux semaines en isolement.

Outre la question de la réintégration des résidents, le ministère a également déclaré que le Japon avait entamé des discussions avec 12 pays et territoires sur l’ouverture mutuelle de voyages d’affaires et de séjour de longue durée : Chine, Taiwan, Cambodge, Singapour, Corée du Sud, Hong Kong, Macao, Malaisie, Laos, Brunei, Mongolie et Birmanie.

La gestion de l’interdiction d’entrée des résidents fait apparaitre une mauvaise coordination entre les différents ministères du gouvernement japonais. Selon l’agence Nikkei, c’est le ministre des Affaires étrangères qui coordonne les modalités avec les ambassades des pays étrangers, mais la décision revient en dernier ressort au ministère de la Justice, qui supervise l’immigration, et au ministère de la Santé, qui possède le pouvoir d’homologuer les tests de coronavirus pratiqués à l’étranger.

Une chose est sûre, c’est que l’interdiction d’entrée sur le territoire japonais des résidents internationaux, pour la plupart, hautement qualifiés porte préjudice aux entreprises nationales autant qu’aux entreprises non japonaises, donc à l’ensemble de l’économie de l’archipel.

Les témoignages abondent dans ce sens dans les médias nationaux citant une entreprise japonaise qui gère des téléphériques à Yokohama et Nagano, et qui doit respecter une date limite en septembre pour installer de nouveaux équipements. Cette opération ne peut être faite que par des ingénieurs suisses. Un autre témoignage : l’entretien de certains équipements cruciaux des célèbres TGV japonais dépend également du retour des ingénieurs autrichiens.

Vo Trung Dung


 

Illustration de Une : « The Humble Fabulist » de © Chiho Aoshima

Chiho Aoshima, née en 1974 à Tokyo, est une artiste contemporaine japonaise appartenant au collectif d’artistes Kaikai Kiki qui s’est polarisé autour de Takashi Murakami.

Derniers articles dans Actualité

Go to Top