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Le douloureux exode des Rohingyas - Sabir Nazar (Pakistan), Caglecartoons.com "Les Rohingyas de Birmanie" d'après "Le Radeau de La Méduse" de Géricault / After "The Raft of the Meduse" by Gericault

Birmanie : La menace de génocide continue pour les Rohingya

En Birmanie, les Rohingya vivent sous la menace d’un « génocide ». Des enquêteurs des Nations unies estiment dans un rapport que la Birmanie devrait être traduite devant la Cour internationale de Justice (CIJ).

Les dernières conclusions de la Mission d’établissement des faits (MEF) de l’ONU sur la Birmanie s’agissant de la situation des Rohingya sont particulièrement alarmantes : elle fait état de « motifs raisonnables de conclure que les éléments de preuve qui permettent de déduire l’intention génocidaire de l’Etat birman (…) se sont renforcés » depuis l’an dernier et relève « qu’il existe un risque sérieux que des actes génocidaires puissent se produire ou se reproduire ».

Ce qui « signifie que la Birmanie devrait être traduite devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention sur le génocide de 1948, l’un des rares instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’elle a ratifié », estime la Mission.

Jusqu’à présent, les recommandations de la Mission de l’ONU n’ont pas été suivies par la communauté internationale, en dépit de la gravité de la situation.

Des responsables birmans identifiés

Pour les enquêteurs de l’ONU, qui n’ont pas été autorisés à se rendre sur place, « la Birmanie continue de commettre des crimes contre l’humanité pour des actes inhumains qui infligent de grandes souffrances et des persécutions dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population rohingya ». Les enquêteurs ont produit une liste confidentielle de 100 noms — en plus de six généraux déjà identifiés dans un précédent rapport. Celle-ci comprend notamment des responsables birmans, soupçonnés d’être impliqués dans des cas de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Quelque 740 000 Rohingya avaient fui l’Etat de — ou Arakan, dans l’ouest de la Birmanie — en août 2017, à la suite d’une opération de répression de l’armée birmane. Des familles entières avaient rejoint dans des conditions très difficiles 200 000 réfugiés victimes de persécutions et déjà installés dans des camps de l’autre côté de la frontière, au Bangladesh.

Privation de terres, de nourriture, restrictions de la liberté de circulation, refus de laisser les personnes bénéficier d’aide humanitaire…, autant d’éléments ayant permis aux enquêteurs de déduire que « le gouvernement continue d’avoir des intentions génocidaires »« Les 600 000 Rohingya qui restent en Birmanie sont systématiquement persécutés et vivent sous la menace d’un génocide », et leurs conditions de vie « déplorables » se sont aggravées en un an, selon les enquêteurs de l’ONU, pour qui « ces faits soulignent l’impossible retour » des réfugiés rohingya, de confession musulmane, en Birmanie, pays à forte majorité bouddhiste.

L’abus généralisé contre les minorités ethniques et religieuses

Le rapport accuse aussi l’armée de commettre de nouveaux abus contre les civils dans le nord de l’Etat de Rakhine, qui connaît une recrudescence des combats entre les militaires birmans et les rebelles de l’Armée d’Arakan (AA), qui luttent pour plus d’autonomie en faveur de la population bouddhiste.

Si le Conseil de sécurité de l’ONU a plusieurs fois appelé la Birmanie à l’arrêt des opérations militaires et au retour en toute sécurité des Rohingyas, ses initiatives restent entravées par la Chine, premier soutien de la Birmanie et membre permanent du Conseil, disposant donc d’un droit de veto.

Publié le 22 août, le rapport de la Mission d’établissements des faits de l’ONU sur les violences sexuelles subies par les minorités ethniques en Birmanie est présenté ce mardi 17 septembre 2019 devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. Il pointe, de nouveau, l’enjeu majeur de justice et de lutte contre l’impunité. Face à l’ampleur de ces violences sexuelles, aucun haut-gradé n’a été mis en cause. Outre les obstacles légaux, il est surtout question de l’absence de volonté politique de faire juger les auteurs de ces crimes au caractère systématique.

Vo Trung Dung (avec AFP et Info Birmanie)

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Dessin de Une : Le douloureux exode des Rohingyas d’après « Le Radeau de La Méduse » de Géricault – Sabir Nazar (Pakistan). Projet Cartooning for Peace.

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