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Aung San Suu Kyi - Barmanie Myanmar.

Aung San Suu Kyi, deux ans, pour commencer

Birmanie | Le 6 décembre 2021, le tribunal militaire de Naypyidaw, la capitale, a déclaré Aung San Suu Kyi coupable « d’incitation contre l’armée et de violation des restrictions sanitaires de COVID-19 », suscitant la condamnation des Nations unies, de l’Union européenne, de l’ASEAN et d’autres organisations, qui ont qualifié ces verdicts de motivés par des considérations politiques.

Mme Aung San Suu Kyi, âgée de 76 ans, qui a été destituée par un coup d’État en février, doit purger une peine de deux ans — sur les quatres prononcés — de détention dans un lieu non divulgué. Il s’agit d’une réduction de peine à la suite « d’une grâce partielle » du chef militaire du pays. Elle restera en résidence surveillée dans un établissement gouvernemental de Naypyidaw, la capitale du pays, plutôt que d’être emprisonnée, ont indiqué les autorités birmanes.

Le verdict du procès de Naypyidaw est le premier prononcé à l’encontre de la dirigeante destituée, le régime militaire ayant manifestement pour objectif de l’écarter de la vie politique.

De quoi est-elle accusée ?

On sait peu de choses sur le déroulement des procédures et du procès  dans les différentes affaires judiciaires misant en cause Aung San Suu Kyi. Elle a été « jugée » par un tribunal à huis clos, auquel les observateurs n’ont pas accès, et son avocat a été empêché de parler aux journalistes.

L’accusation « d’incitation contre l’armée » serait centrée sur une déclaration d’Aung San Suu Kyi, publiée en ligne après le coup d’État de février, qui avait exhorté les organisations internationales à ne pas coopérer avec la junte. Dans la seconde affaire, il lui était reproché « d’avoir enfreint les règles sanitaires de la COVID-19 » alors qu’elle faisait campagne avant les élections de 2020.

L’ancien président Win Myint a aussi été condamné à quatre ans de prison pour les mêmes motifs. La peine de Win Myint devrait également être réduite à deux ans. Myo Aung, l’ancien maire de Naypyidaw, a été condamné également à deux ans de prison pour « d’incitation contre l’armée. »

Réactions internationales

Michelle Bachelet, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme : « La condamnation de la conseillère d’État [Aung San Suu Kyi] à l’issue d’un procès fictif dans le cadre d’une procédure secrète devant un tribunal contrôlé par l’armée n’a rien d’autre qu’une motivation politique ! »

La diplomatie de l’UE a également condamné le verdict comme étant politiquement motivé et a appelé à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques au Myanmar.

Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères : « [Ce verdict est] une nouvelle étape vers le démantèlement de l’État de droit et une nouvelle violation flagrante des droits de l’homme au Myanmar. L’échec jusqu’à présent du rétablissement de la démocratie, aggravé par la pandémie de CoVid-19, la violence et le conflit généralisés, conduit le pays vers une crise humanitaire de grande ampleur. »

Liz Truss, ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni : « Cette condamnation est une nouvelle tentative effroyable du régime militaire du Myanmar pour étouffer l’opposition et supprimer la liberté et la démocratie. »

Le parlementaire malaisien Charles Santiago, président du groupe des parlementaires de l’ASEAN pour les droits de l’homme, dans un communiqué : « [Ce jugement] est une parodie de justice qui démontre le mépris de la junte pour les efforts régionaux visant à trouver une solution à la crise du pays (…/…) Personne n’est dupe de cette condamnation. Depuis le jour du coup d’État, il est clair que les accusations portées contre Aung San Suu Kyi, et les dizaines d’autres députés détenus n’ont été rien de plus qu’une excuse de la junte pour justifier leur prise de pouvoir illégale. »

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a appelé à la libération de Suu Kyi : « La condamnation injuste d’Aung San Suu Kyi par le régime militaire birman et la répression d’autres représentants démocratiquement élus constituent de nouveaux affronts à la démocratie et à la justice en Birmanie. Le mépris permanent du régime pour l’État de droit et son recours généralisé à la violence contre le peuple birman soulignent l’urgence de rétablir la voie de la démocratie en Birmanie. »

Où en est-elle Aung San Suu Kyi ?

Après le procès, Suu Kyi aurait été assignée à résidence dans un lieu proche de Naypyidaw, la capitale administrative. « Ces personnes [condamnées] seront dans les mêmes maisons où elles sont actuellement détenues », selon l’agence de presse japonaise Nikkei, citant le porte-parole militaire Zaw Min Tun.

Madame Suu Kyi reste encore inculpée de « violation de la loi sur les exportations et les importations et de la loi sur les télécommunications » pour « avoir importé et utilisé illégalement des talkies-walkies, » des appareils de communication de moyenne portée qui ne nécessitent pas de compte d’abonné comme les téléphones portables.

La commission électorale syndicale, réorganisée après la prise de pouvoir par les militaires, a aussi accusé Suu Kyi et 15 autres personnes de « fraude électorale » lors des élections générales de novembre 2020.

Ces autres chefs d’accusation concernant Aung San Suu Kyi sont en instance et seront jugées en 2022. Elle devra faire face à 11 affaires pénales montées par la junte militaire, avec des peines maximales totalisant plus de 100 ans si elles sont prononcées consécutivement. 

Vo Trung Dung

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Photo de Une : Art de rue (Street Art) représentant la Conseillère d’État du Myanmar, Aung Sang Suu Kyi, Pays-Bas, 2012. Par © Fairey Shepherd via Flickr. Licences : CC

Bio : Fairey Shepherd née en 1970 à Charleston, en Caroline du Sud, est également connu sous le pseudonyme OBEY, est un « street artiste » — artiste de rue — américain, sérigraphie, muraliste, illustrateur.


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