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Afghanistan par © Shamsia Hassani

Afghanistan : La répression s’abat sur les femmes

Malgré les promesses — jamais tenues — sur le respect des droits des femmes adressées à la communauté internationale, les talibans intensifient la répression contre toutes celles qui ne se soumettent pas à leur dictat. Pendant que l’Afghanistan s’enfonce dans la crise humanitaire.

Récit | Le 19 janvier, au moins deux Afghanes qui ont participé aux manifestations contre les talibans, revenus au pouvoir le 15 août 2021, ont été arrêtées chez elles à Kaboul. L’agence de presse américaine AP rapporte qu’il s’agit de Tamana Zaryab Paryani et de la militante Parwana Ibrahimkhel, ancienne étudiante en journalisme et figure connue de la protestation des femmes contre les nouveaux maîtres de Kaboul. Tamana Zaryab Paryani appartient au groupe de défense des droits Seekers of Justice, qui a organisé plusieurs manifestations à Kaboul.

L’arrestation et le harcèlement

Selon des témoignages publiés sur les réseaux sociaux, les trois jeunes sœurs de Tamana Zaryab Paryani, présentes dans l’appartement au moment de l’assaut de la police, auraient, elles aussi, été arrêtées. Depuis, plus personne n’a de leurs nouvelles.

Les forces de sécurité talibane harcèlent aussi d’autres militantes afghanes actives, avec des raids à leurs domiciles et par des menaces à la famille. C’était le cas de la militante Madina Darwazi, 26 ans, correctrice, désormais sans emploi, dans une maison d’édition avant l’arrivée au pouvoir des talibans. Comme Madina Darwazi n’étant pas présente à la maison au moment du raid, les talibans ont averti qu’ils arrêteraient ses jeunes enfants si elle ne se rendait pas. La dentiste Zahra Muhammadi, la poétesse Hoda Khamosh, 27 ans, la bibliothécaire Wahida Amiri, 33 ans et d’autres manifestantes anonymes ont subi les mêmes traitements. Elles sont actuellement en fuite.

Le pouvoir nie

Le porte-parole de la police des talibans à Kaboul, le général Mobin Khan, a nié arrestation et harcèlement. Dans le même temps, le porte-parole des services de renseignement talibans, Khalid Hamraz, a dénoncé ceux et celles qui insultent « les valeurs islamiques et afghanes, en calomniant les forces de sécurité dans le but de préparer leur demande d’asile politique à l’étranger. »

Depuis qu’ils ont pris le pouvoir à la mi-août, les talibans ont imposé des restrictions généralisées, dont beaucoup visent les femmes. Celles-ci se sont vu interdire de nombreux emplois en dehors des secteurs de la santé et de l’éducation, leur accès à l’éducation a été limité au-delà de la sixième année et elles ont reçu l’ordre de porter le hijab. Les talibans n’ont toutefois pas imposé la burqa, qui était obligatoire lorsqu’ils dirigeaient l’Afghanistan dans les années 1990.

Un aperçu de quelques-unes des restrictions imposées par les talibans aux femmes

Déplacements sur de longues distances : Depuis le 26 décembre 2021, il est interdit aux femmes afghanes de se déplacer à plus de 72 kilomètres sans un parent masculin. Le ministère taliban de la Propagation de la vertu et de la prévention du vice a interdit aux chauffeurs de prendre en charge les femmes voyageant seules.

Télévision et médias : En novembre 2021, les talibans ont interdit aux femmes d’apparaître dans des émissions de télévision et des films et ont ordonné aux femmes journalistes et présentatrices de porter le foulard (hijab). Selon les observateurs sur place, la plupart des employées des médias ont cessé de travailler après la prise de pouvoir des talibans.

Suppression du ministère de la Condition féminine : Le ministère de la Condition féminine — créé en 2001, — a été supprimé par les talibans en septembre 2021. Ses bureaux abritent désormais le ministère de la Propagation de la vertu et de la Prévention du vice.

Interdiction de l’éducation : Les talibans ont effectivement interdit aux filles de recevoir une éducation supérieure à l’école primaire en maintenant la plupart des écoles secondaires pour adolescentes fermées. Selon les données de la Banque mondiale, la proportion de filles dans les écoles primaires en Afghanistan est passée de moins de 10% en 2003 à 33% en 2017, tandis que leur part dans les écoles secondaires était de 39% en 2017, contre 6% en 2003.

Les femmes interdites de travail : La plupart des femmes sont de fait interdites de travail dans les entreprises privées, dans les administrations publiques, à l’exception des secteurs de l’éducation et de la santé. Après avoir pris le contrôle total de l’Afghanistan, le pouvoir taliban élimine rapidement les femmes des lieux de travail. En septembre 2021, l’un des hauts responsables talibans a déclaré à l’agence de presse Reuters que « les femmes afghanes ne devaient pas travailler aux côtés des hommes. » Cette déclaration a été suivie d’un autre décret publié par le maire par intérim de Kaboul, ordonnant aux employées de l’administration municipale de rester chez elles, jusqu’à maintenant.

Les femmes représentaient 20 % de la main-d’œuvre du pays en 2020, selon un rapport publié par le Programme des Nations unies pour le développement en décembre 2021, et un nombre important d’entre elles dirigeaient de petites entreprises.  

Code vestimentaire, ségrégation : En septembre 2021, le ministre de l’Éducation a annoncé que la ségrégation des sexes et le code vestimentaire islamique seraient obligatoires dans les universités. Toutes les étudiantes, les enseignantes et le personnel féminin doivent porter une robe islamique abaya et un niqab qui couvrent les cheveux, le corps et la majeure partie du visage, selon les règlements publiés par le ministère de l’Éducation.

Vo Trung Dung

Dessin de Une : Afghanistan par © Shamsia Hassani, dessinatrice, artiste du graffiti, de son vrai nom Ommolbahni Hassani. Elle est née en 1988 à Téhéran, est une graffeuse afghane et (ex.) professeure agrégée de sculpture à l’Université de Kaboul.


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