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Images by DigitalGlobe, via the CSIS Asia Maritime Transparency Initiative, and CNES,

Etats-Unis : James Mattis en Chine, entre guerre commerciale et dispute maritime

Au début de l’été. Du 26 au 28 juin 2018, le secrétaire américain de la Défense James Mattis était à Pékin en visite officielle. Le premier voyage d’un chef du Pentagone en Chine depuis 2014. Une visite en pleine tension sino-américaine : guerre commerciale et militarisation chinoise en Mer de Chine méridionale. Si la Chine pèse encore le pour et le contre sur l’ampleur de sa riposte aux taxations de Washington, en Mer de Chine méridionale, elle se campe fermement sur sa position et se montre de plus en plus agressive autant sur le plan militaire que sur les actions diplomatiques. Retournons sur cette visite qui marquerait la géopolitique régionale.

« La Chine est attachée au développement pacifique et ne créera pas le chaos dans le monde mais, sur les questions liées à sa souveraineté, elle n’abandonnera pas un pouce de son territoire » a déclaré le président chinois Xi Jinping le 27 juin 2018 devant le secrétaire américain de la Défense, James Mattis. « On retrouve ici la position chinoise qui n’a pas bougé depuis des dizaines d’années. Xi Jinping fait notamment allusion au conflit en mer de Chine méridionale et a voulu montrer aux Etats-Unis que la Chine défendra bec et ongles son territoire », analyse M. Pierre Picquart, docteur en géopolitique et spécialiste de la Chine.

M. Xi a rencontré M. Mattis — le premier chef du Pentagone à se rendre à Pékin depuis Chuck Hagel en 2014 — au Grand Palais du Peuple. « Les tensions sont importantes ces derniers mois, ce qui explique certainement cette visite », estime M. François David, professeur à l’université Lyon III et spécialiste des Etats-Unis.

Le dirigeant chinois a déclaré que la Chine n’était pas expansionniste et ne cherchait pas à coloniser les autres pays mais que sa position était « ferme et claire » sur les questions relatives à « sa souveraineté et son intégrité territoriale. »

« Nous ne pouvons pas perdre un seul pouce du territoire laissé par nos ancêtres, mais nous ne voulons même pas un tout petit peu de ce qui appartient aux autres », a encore déclaré M. Xi dans un reportage de la chaîne publique CCTV. Il a ajouté de façon contradictoire que « l’océan Pacifique était assez vaste pour accueillir à la fois les Etats-Unis et la Chine ainsi que d’autres pays ! »

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale au sein d’une soi-disant « ligne en neuf traits » sur laquelle la Chine affirme avoir historiquement exercé son contrôle. Cette ligne fait référence à une zone maritime d’environ deux millions de kilomètres carrés comprenant notamment les groupes d’îles Spratleys et Paracels. La Chine fonde ses revendications territoriales en Mer de Chine du Sud sur cette délimitation. 

Les revendications chinoises se chevauchent avec celles de cinq autres pays asiatiques qui sont le Brunei, la Malaisie, les Philippines, le Vietnam et Taiwan. 

La visite de M. Mattis intervient alors que les tensions sont croissantes entre les Etats-Unis et la Chine sur des questions telles que le commerce, la Mer de Chine méridionale et Taiwan. « La Chine représente un danger pour les Etats-Unis. », selon M. David. Pour M. Picquart, « on assiste à un match de boxe, de ping-pong entre les deux pays. »

Le président américain Donald Trump avait fustigé ces derniers mois une relation commerciale déséquilibrée. La Chine avait annoncé début avril des mesures de rétorsion contre les importations américaines en réponse aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium. M. Trump a annoncé son intention de taxer 200 milliards et plus de dollars supplémentaires de produits. « Une certaine incertitude pèse sur les relations économiques entre les Etats-Unis et la Chine, et les Chinois ont horreur de cela », estime M. David.

M. Mattis a critiqué publiquement les initiatives de Pékin visant à militariser les îlots dans la mer de Chine méridionale lors du dialogue Shangri-La à Singapour en début de mois, affirmant que le but de la Chine était « l’intimidation et la coercition ». M. Mattis a indiqué que la Chine avait déployé des batteries de missiles anti-navires et anti-aériens. A la suite des actions de Pékin, la Chine a été désinvitée de l’exercice Rim of the Pacific (RIMPAC), un exercice naval dirigé par les Etats-Unis qui a débuté le 27 juin 2018 à Hawaï. Washington a invité à la place des officiers en qualité d’observateurs du Vietnam. Vingt six pays participent à cet exercice militaire qui se tient tous les deux ans.

Une autre source de discorde est Taiwan, que Pékin considère comme une province renégate. Taiwan est au cœur de la rivalité entre Washington et Pékin. L’île constitue un enjeu de puissance. Plus tôt cette année, les Etats-Unis ont adopté une loi permettant l’échange de hauts fonctionnaires avec Taiwan et ont inauguré mi-juin leur nouvelle représentation diplomatique sur l’île. 

Avant la visite de M. Mattis, les médias chinois ont rapporté que des navires de guerre chinois avaient effectué des exercices de combat quotidiens pendant plus d’une semaine dans les eaux près de Taiwan. La Chine a mené ces derniers mois plusieurs exercices militaires à proximité de l’île.

Pourtant, à Pékin, les analystes chinois et les médias d’Etat ont considéré le voyage du chef du Pentagone comme un signe que les deux pays étaient prêts à trouver un terrain d’entente au milieu de leurs différences.

M. Xi a déclaré que les deux pays devraient faire progresser les relations bilatérales basées sur le « principe du respect mutuel et de la coopération gagnant-gagnant », notant que les liens militaires pourraient être une source de stabilité. M. Mattis a fait écho à M. Xi, en indiquant que les Etats-Unis accordaient une grande importance aux relations bilatérales avec la Chine. Les deux hommes ont souligné l’importance de contrôler les risques pour éviter les conflits et les confrontations. 

M. Mattis a rencontré également son homologue chinois, le général Wei Fenghe. Décrivant la visite de M. Mattis comme «  un facteur positif », le général Wei a clairement exposé la position et les préoccupations de Pékin concernant Taiwan, la Mer de Chine méridionale et la péninsule coréenne. Le général Wei a été invité à se rendre au Pentagone.

M. Alexander Neill, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques (IIES), a déclaré que « l’importance de la maîtrise des risques et de la gestion de l’escalade a été un élément clé des rencontres entre M. Mattis et les dirigeants chinois, en particulier dans les zones contestées de la mer de Chine méridionale. » Ce que nous allons voir sur le terrain dans les prochains mois !

Par Luc Duval

(L’article a été réalisée avec les dépêches d’agence de presse, enrichi par Luc Duval, édité par Vo Trung Dung)

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Luc Duval est diplômé en science politique et en relations internationales à l’université Lyon III et à l’IRIS SUP’.

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