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Lancement de missile en Corée du Nord

Corée du Sud — Corée du Nord : politique étrangère « gaullienne » et question nucléaire.

Corée du Sud, Corée du Nord. Le 29 septembre 2017, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) recevait le professeur Cheong Seong-Chang, directeur de recherches à l’Institut Sejong pour la tenue d’une conférence ayant pour thème « la politique extérieure du nouveau gouvernement sud-coréen et la question nucléaire nord-coréenne ». Il est plus qu’intéressant de voir et comprendre la complexité coréenne au-delà des clichés et de la joute verbale entre Kim Jong-Un et Donald Trump ! Compte rendu.

Protagoniste pourtant en première ligne dans la crise actuelle en Corée du Nord, la République de Corée (du Sud) est plutôt mise de côté dans le traitement médiatique habituel du conflit. Dans un exposé auprès de l’auditoire de l’Ecole militaire, le professeur Cheong Seong-Chang entendait présenter cette perspective sud-coréenne finalement peu écoutée en dévoilant les éléments constitutifs de la politique étrangère du gouvernement Moon Jae-In.

Une voie diplomatique originale qui combine une volonté réaliste d’ouverture au Nord en s’appuyant sur un renforcement des capacités opérationnelles de l’armée de la République de Corée avec un pragmatisme multilatéral que le professeur Cheong Seong-Chang rapproche de la doctrine gaullienne dans sa volonté de prôner l’avènement d’une Corée du Sud plus affirmée et plus autonome stratégiquement sur la scène internationale.

L’inauguration de la présidence Moon Jae-In dans un contexte géopolitique volatile

La présidence de Moon Jae-In a été inaugurée à un moment politique particulièrement complexe. Alors qu’en 2016, Donald Trump alors candidat s’était initialement déclaré prêt à rencontrer si les circonstances le permettaient Kim Jong-Un, la relation entre les présidents américains et nord-coréens s’est considérablement dégradée dans une surenchère verbale qui tourne désormais à l’injure personnelle.

Dernièrement, Donald Trump a ainsi traité Kim Jong-Un de « rocket man » et à l’encontre des menaces nord coréennes  le président américain promet une riposte par la fureur et le feu. De son côté, le dirigeant nord-coréen déclare vouloir « discipliner par le feu » Donald Trump qu’il qualifie de « gâteux américain mentalement dérangé ». Pour compléter cette escalade verbale Pyongyang vise désormais explicitement le Japon qui est menacé de destruction imminente en raison du soutien de Tokyo à la position des Etats-Unis en réponse au survol répété du territoire japonais par des tirs de missiles nord-coréens. Aux joutes oratoires entre dirigeants s’ajoute ainsi une accélération du cycle des tests balistiques/nucléaires contre lesquels des sanctions internationales toujours plus renforcées sont prônées.

Le renouveau des tensions de Corée du Nord, héritier d’un dilemme de sécurité datant du conflit de 1950-1953.

Bien qu’attisée par les altercations entre Donald Trump et Kim Jong-Un, la crise présente dont hérite le président Moon Jae-In pourrait finalement n’être interprétée que comme une actualisation de contentieux non réglés d’une situation géopolitique bien antérieure à l’administration Trump.

La volonté nord-coréenne de se doter de l’arme nucléaire est en effet une constante de la politique nord-coréenne depuis ces vingt-cinq dernières années. Elle répond à une logique visant à garantir la pérennité du régime. Si elle demeure improbable, la reprise des hostilités entre la Corée du Nord et ses adversaires sud-coréens et américains reste en effet un scénario pour lequel Pyongyang se prépare depuis la fin de la guerre de Corée. Aucun traité de paix n’ayant été signé à l’issue du conflit coréen tous les protagonistes de ce dernier demeurent techniquement en guerre. En outre la crainte de subir un changement de régime à l’image de la Libye où Mouammar Kadhafi fut renversé après avoir renoncé à son programme d’armes de destruction massives n’incite pas le régime nord-coréen à abandonner à son propre arsenal nucléaire. 

Mais comme l’écrivait en 1994  François Joyaux, professeur à l’INALCO, c’est l’isolement diplomatique croissant dans lequel s’est retrouvé la Corée du Nord qui l’a incité à développer un arsenal militaire conventionnel et nucléaire renforcé.

A partir du milieu des années 90, Pyongyang s’est en effet considérée comme abandonnée par ses alliés traditionnels soviétiques et chinois. En particulier l’établissement de relations diplomatiques formelles par Moscou et Pékin avec Séoul respectivement en 1990 et 1992 fut vécu comme un véritable acte de trahison par la Corée du Nord, les archives révélant que Pyongyang alla jusqu’à accuser l’URSS de comploter avec les Etats Unis et la Corée du Sud dans leur stratégie de fomenter une transition pacifique en Corée du Nord visant à renverser le régime socialiste.

En plus d’un outil de sanctuarisation de son territoire, l’obtention de l’arme nucléaire peut aussi se comprendre pour la Corée du Nord comme un levier visant à acquérir une indépendance stratégique pour le pays sur la scène internationale — y compris vis-à-vis de ses soutiens historiques. La militarisation à outrance du régime de Pyongyang ne doit donc pas seulement être expliquée par une logique réactive aux déclarations bellicistes de Donald Trump, elle doit se comprendre aussi dans le cadre d’une vision à long terme poursuivie sans relâche par l’ensemble des membres de la dynastie Kim.

L’entrée au pouvoir de Kim Jong Un s’est cependant accompagnée d’une nette augmentation du nombre de test de missiles balistiques et d’essais nucléaires qui est déjà supérieur en 2017 à l’ensemble des lancements effectués par son grand-père Kim Il Sung et son père Kim Jong-Il.

Le président sud coréen Moon Jae-in doit désormais faire face à une Corée du Nord susceptible de maîtriser la bombe H, de lancer des missiles intercontinentaux capables de toucher le territoire américain et dans quelques années selon le professeur Cheong Seong-Chang de construire des sous-marins lanceurs d’engins balistiques dotant ainsi Pyongyang d’une capacité de seconde frappe nucléaire.

La résilience de l’économie nord coréenne, moyen de contournement des sanctions internationales

Outre le développement d’un arsenal militaire nord-coréen toujours plus menaçant, le président Moon est aussi confronté à une autre donne géopolitique : celle de la résilience de l’économie de la Corée du Nord qui peut remettre en question l’efficacité des sanctions internationales.

Depuis la terrible famine du milieu des années 90 qui aurait fait jusqu’à un million de victimes en raison de la fin de l’aide soviétique au régime et de la faillite d’un système de production quasi stalinien qui privilégiait les dépenses militaires à celles pour l’alimentation de sa population, la Corée du Nord connaît une croissance économique non sans aléas mais réelle. Si des problèmes de malnutrition demeurent la famine ne tue plus dans la Corée du Nord d’aujourd’hui. La population nord-coréenne a désormais accès à des biens de consommation courants comme les téléviseurs chinois et les bicyclettes japonaises mais aussi les smartphones et les tablettes. Sur un plan industriel non militaire, la Corée du Nord est capable de construire ses propres rames de métro  et automobiles. 

Si le choix du développement économique fut formellement élevé par Kim Jong-Un en 2013  à un rang de priorité égal à celui du nucléaire dans le cadre de la promotion de la politique du « byungjin » — qui signifie littéralement avancer deux choses simultanément — la croissance nord-coréenne actuelle repose sur un phénomène dont les origines remontent à l’époque de la grande famine des années 90, « la marchéisation venant d’en bas ».

L’appel aux marchés privés fut une stratégie de survie choisie par la population nord-coréenne pour faire face à l’écroulement du système de distribution alimentaire gouvernemental, privatisant de fait une partie de l’économie nord-coréenne. Cette transformation d’un système économique socialiste initiée d’en bas par la population dans un contexte de crise et malgré la contrainte d’un gouvernement autoritaire n’est pas sans rappeler l’expérience d’autres démocraties populaires comme celle vécue par le Vietnam des années 80.

Les progrès économiques nord-coréens de ces dernières années ont été portés d’une part par les compagnies possédées par les « donju » une nouvelle classe d’entrepreneurs nord-coréens qui a commencé à émerger au début des années 2000 et d’autre part les « waehwapori », d’anciennes entreprises d’export étatiques désormais aux mains d’investisseurs privés. L’économie de la Corée du Nord est devenue ainsi un système hybride où la planification centralisée cohabite en symbiose avec un secteur privé semi informel bénéficiant en outre d’un commerce transfrontalier avec la Chine pour l’export des matières premières notamment charbonnières.

Face à cet essor non voulu au départ par l’Etat d’un secteur privé, l’attitude du gouvernement nord-coréen a oscillé entre répression, tolérance et mesures d’accompagnement certains donju étant membres ou affiliés au Parti Communiste. L’ambivalence du régime vis-à-vis de cette marchéisation de l’économie techniquement toujours illégale n’est pas aujourd’hui entièrement levée. Notamment en raison du danger politique potentiel pour le gouvernement nord-coréen que recèle un relâchement du contrôle sur la société d’un Etat qui demeure toujours totalitaire par le système concentrationnaire qu’il maintient. Reste qu’actuellement Kim Jong-Un semble désormais tacitement encourager l’essor de ce secteur privé dont les revenus permettent au régime de contourner partiellement les effets de l’embargo international.

« La politique étrangère de Moon Jae-In ressemble beaucoup à celle de De Gaulle ! »

Quelle politique étrangère pour la Corée du sud ? Un gaullisme aux caractéristiques sud coréennes

Dans ce paysage politique passablement chamboulé par la discorde entre Trump et Kim Jong-Un dont le régime est désormais à la fois nucléarisé et résilient aux sanctions, quelle politique étrangère peut être envisageable pour la Corée du Sud ?

Pour le président Moon, explique le professeur Cheong Seong-Chang, la Corée du Sud doit prendre l’initiative sur la question de la Corée du Nord, construire une défense indépendante et promouvoir une  diplomatie d’équilibre entre les Etats-Unis et la Chine sans pour autant remettre en question l’alliance américano-sud-coréenne. « Si Moon Jae-In n’est pas officiellement gaulliste, la politique étrangère de Moon Jae-In ressemble beaucoup à celle de De Gaulle » déclare le chercheur.

La politique sud coréenne d’ouverture au Nord et ses limites

Prendre l’initiative sur le problème nord-coréen a d’abord pris la forme d’une volonté de dialogue avec Kim Jong-Un. Le président Moon a ainsi déclaré  durant la campagne présidentielle vouloir se rendre à Pyongyang si les conditions étaient réunies. Moon Jae-In a été ainsi le premier dirigeant sud-coréen à exprimer la volonté d’organiser un sommet avec la Corée du Nord.

Une initiative qui a reçu, selon le professeur Cheong Seong-Chang, le soutien de Donald Trump qui s’était montré favorable pendant sa rencontre avec le président Moon le 30 juin 2017 à ce que la Corée du Sud construise un environnement propice à la réunification. Mais cette recherche de pourparlers avec la Corée du nord s’est soldée par un échec : Moon Jae-In n’a pu obtenir de discussions sincères avec Kim Jong-Un sur la question du nucléaire pour laquelle Pyongyang refuse de se mettre à la table des négociations.

« Le président Moon a un programme splendide pour la coopération entre les deux Corées, explique le professeur Cheong Seong-Chang. Mais avec le nucléaire ce programme est devenu irréaliste ».

« Le responsable des tensions actuelles, c’est Kim Jong-Un »

Pour contrer Pyongyang et garantir l’indépendance de la Corée du Sud , la construction d’une défense sud coréenne autonome et renforcée

Si l’ouverture au Nord demeure toujours l’horizon politique à atteindre, la confrontation à la réalité du refus de dialoguer de Pyongyang a amené l’administration Moon à reconsidérer sa position conciliatrice vis-à-vis de Kim Jong-Un. « Le responsable des tensions actuelles, c’est Kim Jong-Un » soutient le professeur Cheong Seong-Chang. « La politique étrangère au début du mandat de Donald Trump était isolationniste. Mais c’est Kim Jong-Un qui a fait changer la politique de Trump en déclarant dans un discours le 1er janvier de cette année que la Corée du Nord allait lancer un missile intercontinental. Aucun président américain ne peut accepter que la Corée du Nord menace le territoire des Etats-Unis » avance t-il.

L’échec momentané de la politique d’apaisement avec Pyongyang a entraîné en retour une inflexion importante de la politique de défense du gouvernement Moon Jae-In. De réputation pacifiste et progressiste, le président Moon est désormais presque en passe d’endosser les habits d’un faucon. Le dirigeant sud-coréen prône en effet une attitude plus agressive que ses prédécesseurs conservateurs en ce qui concerne le développement des capacités opérationnelles de l’armée de la République de Corée.

Dans un discours aux forces armées sud-coréennes, le président Moon a ainsi promis d’accélérer les travaux sur trois programmes militaires : le système de frappe préventive connu sous le nom de « kill chain » pour mettre hors d’état les sites balistiques nord coréens, la création d’une « unité de décapitation » chargée de neutraliser le leadership militaire et politique nord coréen en cas de conflit et la promotion d’un système de défense anti-missile.

Et c’est sans doute dans le domaine anti-balistique que le revirement du président Moon a été le plus spectaculaire. Durant la campagne présidentielle, Moon Jae-In avait formulé initialement son opposition au déploiement du Terminal High Altitude Area Defense (THAAD – Système de défense anti-missiles). Mais face au lancement continuel de missiles à courte et longue portée nord-coréen c’est à une pleine intégration du système anti missile américain à la défense de la Corée du Sud que le dirigeant sud-coréen a désormais donné son feu vert.

Une partie de l’opinion sud-coréenne désire même pousser plus loin encore le renforcement des moyens militaires de l’armée de la République de Corée en se montrant favorable à ce que la Corée du Sud se dote aussi l’arme nucléaire. Les sondages sur la question ont montré que près de 60 % de la population de la Corée du Sud approuve son acquisition.

La Corée du Sud cinquième puissance nucléaire civile pourrait produire près de 4.000 têtes nucléaires à comparer aux 20 à 30 armes nord-coréennes et pourrait rapidement atteindre l’équilibre de la dissuasion. Le gouvernement Moon quant à lui reste opposé au nucléaire militaire. Cette opposition fut également la position prônée par le professeur Cheong Seong-Chang jusqu’au choc que représenta le quatrième essai nucléaire nord coréen : avec cet essai Pyongyang démontra sa capacité à maîtriser la bombe H, une arme dont l’emploi d’une seule tête pourrait raser à elle seule Séoul.

Le chercheur estime désormais que la possession de l’arme atomique est indispensable à la Corée du Sud pour sortir d’une dépendance vis-à-vis des Etats-Unis dans les négociations. « Si la Corée du Sud ne dispose pas de l’arme atomique, la Corée du Nord ne parlera qu’avec les Etats-Unis » déclare-t-il. Et à l’opposé de la politique traditionnelle américaine de non prolifération, Donald Trump pourrait être prêt à soutenir le choix d’une Corée du Sud militairement nucléarisée. Pour Washington, faire miroiter la perspective d’une Corée du Sud possédant l’arme atomique serait une carte à jouer soit pour pousser Pekin à faire pression sur son allié nord-coréen soit comme outil d’endiguement de la montée de la puissance chinoise dans la région.

Si le président Moon Jae-In promeut une armée sud-coréenne renforcée, il estime qu’elle doit aussi devenir plus indépendante vis-à-vis de l’allié américain. « L’alliance sud-coréenne-américaine est importante pour nous, mais c’est nous [les Sud-coréens] qui devons assurer la question de la sécurité » explique le professeur Cheong Seong-Chang .

Le président Moon entend ainsi récupérer le commandement opérationnel (ou Operationnal Control – OPCON)  de l’armée de la République de Corée qui est actuellement aux mains de Washington en cas de conflit. Dans la structure de commandement actuelle si les hostilités avec la Corée du Nord devaient reprendre, les forces armées sud-coréennes doivent passer sous la direction d’un général américain.

Longtemps différé — à la demande de Séoul — le transfert anticipé de l’OPCON est désormais réclamé par le gouvernement sud-coréen. Un tel transfert ne signifie cependant pas une volonté de mettre fin à la coopération militaire entre la Corée du Sud et les Etats-Unis. Il s’agit de promouvoir la création d’une nouvelle architecture de défense où les forces combinées sud-coréennes et américaines combattraient toujours ensemble en cas de conflit mais pourraient être dirigées sous un commandement sud-coréen plutôt qu’américain.

« Le président Moon ne veut pas faire inconditionnellement ce que veulent les Américains »

Une diplomatie d’équilibre et pragmatique

Un autre axiome de la politique étrangère sud-coréenne qui a été définie par le président Moon Jae-In, la promotion d’une diplomatie d’équilibre et multilatérale avec la République populaire de Chine et les Etats-Unis mais aussi le Japon.

« Moon Jae-In a affirmé qu’il souhaite négocier avec les Etats-Unis et la Chine » rapporte le professeur Cheong Seong-Chang. Sans pour autant remettre en cause l’alliance avec les Etats-Unis. « Le président Moon ne veut pas faire inconditionnellement ce que veulent les américains » explique-t-il.

Pour le gouvernement Moon, un plus grand engagement sud-coréen envers la République populaire de Chine est nécessaire sur une problématique capitale de la question nucléaire : la mise en œuvre des  sanctions contre les exportations chinoises de pétrole vers la Corée du Nord.

Ce ciblage des ressources en pétrole constitue une nouvelle approche plus agressive dans l’application des sanctions et ceci est significatif là encore d’un revirement de l’administration Moon. Le professeur Cheong Seong-Chang était auparavant défenseur de la politique du « rayon de soleil », il est devenu depuis très critique vis-à-vis à des positionnements attentistes du passé. En particulier, il juge que « la politique de patience stratégique d’Obama n’était pas du tout stratégique. Les sanctions [restreintes ] aux questions commerciales ont eu des effets limités car elles ne touchent pas aux intérêts de l’armée. Ces sanctions ont été supportables par le régime. »

Un embargo sur le pétrole aurait un effet stratégique que ne possèdent pas les sanctions économiques actuelles explique le professeur : « L’économie nord coréenne repose sur le charbon. Mais l’arrêt des importations de pétrole porterait un coup à l’armée [nord-coréenne] car on ne peut pas faire rouler un char ou voler un avion avec du charbon. L’armée est absolument dépendante du pétrole, si un véhicule [militaire] reste au garage faute d’essence plusieurs mois il ne pourra plus fonctionner correctement. »

Cette sanction sur le pétrole prônée par l’administration Trump avec donc le soutien du gouvernement Moon est déjà partiellement mise en œuvre par la Chine qui a promis de réduire de 30% ses livraisons en hydrocarbures.

La coopération de Pékin est capitale pour la résolution du contentieux nucléaire. « Si l’on ne fait pas bouger la Chine sur le pétrole rien ne changera, insiste le professeur Cheong Seong-Chang. Le but des sanctions sur le pétrole n’est pas de détruire l’activité économique nord coréenne dont la ressource énergétique de base est de toute manière le charbon. Mais un arrêt total des livraisons de pétrole rendra les militaires plus « hostiles » à la politique de Kim Jong ce qui serait susceptible d’infléchir sa politique ».

L’autre question pour laquelle la coopération de la Chine est primordiale est le problème du THAAD désormais considéré comme un système de défense vital par le président Moon Jae-In mais que Pékin perçoit comme une menace vis-à-vis de ses propres capacités de frappes balistiques.

La Chine a imposé jusqu’à récemment un boycott économique sévère sur la Corée du Sud en réponse au déploiement du système anti missile. Mais après un an d’hostilités commerciales, un accord a été trouvé entre Pékin et Séoul sur le maintien du THAAD en Corée du Sud contre une promesse de ne pas intégrer une alliance trilatérale avec les Etats Unis étendue au Japon.

Quel scénario pour le futur de la péninsule coréenne ?

Si une coopération avec la Chine populaire n’est pas trouvée sur le pétrole et que le développement programme nucléaire nord-coréen se poursuit, le professeur Cheong Seong-Chang craint que la situation ne débouche sur un affrontement limité entre les deux Corées.

Pour mesurer les implications d’une Corée du Nord nucléarisée, il est nécessaire de prendre en compte toutes les dimensions de sa politique de défense. « La politique de la Corée du Nord est parfois défensive mais aussi souvent très offensive. La Corée du Nord n’a pas besoin en fait de missiles intercontinentaux pour sa protection » soutient  le professeur Cheong Seong-Chang.

Depuis 1953, la situation militaire est figée. « Les Etats Unis ne peuvent pas attaquer la Corée du Nord car le Japon et la Corée du Sud sont les otages de Pyongyang. L’option militaire étudiée sous Bush il y a 10 ans a été rejetée. Même si les Etats-Unis parvenaient à éliminer Kim Jong-Un, il reste impossible de localiser avec certitude les armes nucléaires et chimiques nord-coréennes susceptibles d’être utilisées en riposte » ajoute le professeur.

« En réalité, la possession des missiles intercontinentaux par la Corée du Nord est une menace contre la Corée du Sud plutôt qu’à l’encontre des Etats-Unis.»

Pourquoi donc la Corée du Nord cherche t-elle à posséder des missiles intercontinentaux ? Pour le professeur  Cheong Seong-Chang : « les missiles nord coréens ne serviront pas à faire une guerre contre les Etats-Unis mais pour empêcher que ces derniers interviennent en cas de guerre entre les Corées. »

La Corée du Nord pourrait attaquer la Corée du Sud au niveau de la Northern Limit Line (NLL), ligne de démarcation située en mer jaune. Cette ligne est d’un intérêt stratégique capital pour les deux Corées.

La NLL permet de délimiter la ligne de défense des cinq îles sud coréennes : Baengnyeong-do, Daecheong-do, Socheong-do, Yeonpyeong-do et U-do, de délimiter l’accès de la Corée du Nord à la mer et aux réserves de pêche au crabe, l’extension des zones de patrouilles de la marine nord coréenne sur le littoral sud coréen  notamment vers l’estuaire de la rivière Han pour se rapprocher de Séoul. Plusieurs accrochages armés se sont déjà produits dans la région.

Si la Corée du Nord est en capacité de frapper le territoire américain, Washington n’interviendra pas en cas d’agression contre la Corée du Sud pour risquer un affrontement nucléaire à propos d’un conflit limité, une dissuasion dans la ligne d’une tactique du salami nucléarisée en somme.

« En réalité, la possession des missiles intercontinentaux par la Corée du Nord est une menace contre la Corée du Sud plutôt qu’à l’encontre des Etats-Unis » conclut le professeur.

Par Pham Quang

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