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Examen périodique universel EPU Genève ONU Droits de l'homme. Crédit : © ONU

Les droits de l’homme, un entretien avec M. Lê Hoài Trung, vice-ministre vietnamien des Affaires étrangères

Le Viet Nam vient de participer au troisième cycle de l’Examen périodique universel (EPU). Quelles sont les principales réalisations du Viet Nam dans la promotion et la protection des droits de l’homme au regard des recommandations issues de l’EPU ?

Le Viet Nam considère le mécanisme de l’EPU comme l’un des succès du Conseil des droits de l’Homme de l’Organisation des Nations Unies, car ce mécanisme est bâti sur le fondement des principes de transparence, d’équité, de dialogue et de coopération. Le Viet Nam participe toujours avec le plus grand sérieux aux différents cycles de l’EPU et met en œuvre intégralement toutes les recommandations qu’il a acceptées. Cette volonté découle de la ligne politique conséquente de l’État du Vietnam consistant à promouvoir et à protéger les droits de l’homme, ce qui constitue à la fois un objectif et une force motrice de l’œuvre de développement, d’industrialisation et de modernisation du pays. Les lignes directrices, politiques et programmes de développement socio-économiques adoptés par l’État visent tous à satisfaire de mieux en mieux les attentes légitimes de la population ainsi qu’à garantir la jouissance par celle-ci des droits de l’homme.

Suite au deuxième cycle de l’EPU (en 2014), la mise en œuvre des 182 recommandations qu’il a acceptées a permis au Viet Nam d’obtenir des résultats positifs en matière de promotion et de protection des droits de l’homme dans tous les domaines, notamment dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), la garantie des droits des groupes vulnérables, la promotion de l’égalité de genre, l’amélioration des emplois et des moyens de subsistance en faveur de la population.

Le Viet Nam continue de réformer son cadre juridique en matière des droits de l’homme, en concrétisant les dispositions afférentes de la Constitution de 2013. La croissance constante du PIB supérieure à 6% durant les dernières années permet de créer plus d’emplois et de maintenir le taux de chômage à moins de 2,5%. Le Viet Nam est par ailleurs l’un des pays où l’Internet connait le rythme de développement le plus rapide dans le monde, avec à l’heure actuelle plus de 50 millions internautes.

Le Viet Nam est considéré par plusieurs pays dans le monde comme exemplaire en matière de réduction durable de la pauvreté.  Le taux de pauvreté multidimensionnelle selon les normes onusiennes a été réduit de 9,9% en 2015 à 7,7% en 2017. Le développement socio-économique, notamment dans les régions reculées et les zones peuplées de minorités ethniques, ainsi que l’amélioration en termes de qualité et d’accessibilité de l’éducation et des services de santé ont contribué à réduire l’écart de développement entre les régions du pays.

Les femmes vietnamiennes bénéficient des conditions favorables pour se valoriser et participer activement aux activités socio-économiques, à la gestion et à la gouvernance du pays. Pour le mandat 2016-2021, le taux des députés féminins à l’Assemblée nationale est de 27%. Ce taux est plus élevé que par rapport au mandat précédent et à la moyenne de plusieurs pays développés. Les femmes dirigent et possèdent 27,8% des entreprises au Viet Nam, parmi lesquelles il y a plusieurs entreprises d’envergure et renommées.

Déployé à promouvoir et à protéger les droits de l’homme en conformité avec les normes internationales, le Viet Nam a adhéré, entre autres, à deux conventions fondamentales en la matière, à savoir la Convention contre la torture et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (adhésion en 2015, ndlr). Il a en même temps renforcé la coopération avec les mécanismes de l’ONU sur les droits de l’homme. A titre d’exemple, en qualité de membre du Conseil des droits de l’homme pour le mandat 2014-2016, le Viet Nam a été à l’origine de plusieurs initiatives appréciées par les autres pays.

Les résultats susmentionnés pourraient paraitre modestes et ne pas nous rendre totalement satisfaits. Ils devraient néanmoins être regardés en tenant compte du contexte historique du Viet Nam. Il y a à peine quatre décennies, le Viet Nam sortait des guerres longues et humainement couteuses. Sans compter l’embargo économique imposé pendant plus de deux décennies. Il y a à peine 30 ans, près de la moitié de la population du pays vivait dans la pauvreté ; ses besoins les plus essentiels en matière d’alimentation, d’habitat, d’éducation et de soins de santé n’étaient pas satisfaits. Les résultats obtenus aujourd’hui par le Viet Nam n’auraient pas été donc possibles sans la détermination et les grands efforts de l’État vietnamien dans le développement socio-économique et la garantie des droits de l’homme. Ils n’auraient pas été possibles sans les contributions de chaque Vietnamien au développement général du pays.

M. Lê Hoai Trung, vice-ministre des affaires étrangères du Viêt Nam.
M. Lê Hoai Trung, vice-ministre des affaires étrangères du Viêt Nam.

Au troisième cycle de l’EPU, le Vietnam reçoit plus de 300 recommandations. Qu’est-ce qu’il fera pour les mettre en œuvre, ou pas ?

Les recommandations que le Viet Nam a reçues sont très variées. Elles concernent divers domaines, des droits économiques, culturels, sociaux, civils et politiques aux droits des groupes vulnérables en passant par la réalisation des engagements internationaux en matière des droits de l’homme.

Ces recommandations, généralement pertinentes, sont pour la plupart en adéquation avec la vision et les politiques du Viet Nam en la matière ainsi qu’avec les spécificités et les réalités du pays. Elles indiquent les domaines et les questions sur lesquels le Viet Nam doit poursuivre ses efforts afin de mieux garantir à sa population la jouissance des droits de l’homme. Il s’agit également des domaines auxquels le Viet Nam accorde actuellement une grande priorité. Certaines recommandations, quoique peu nombreuses, ne reflètent pas néanmoins les réalités au Viet Nam car elles sont fondées sur des informations incomplètes ou sur des préjugés. Les autorités concernées du Viet Nam vont examiner avec la plus grande attention chaque recommandation reçue afin de déterminer la liste des recommandations qu’il acceptera et mettra en œuvre, en conformité avec le dispositif du processus de l’EPU et du Conseil des droits de l’homme.

La mise en œuvre des recommandations reçues dans le cadre de l’EPU s’inscrit dans une approche globale de l’application des lignes directrices et des politiques du Viet Nam en matière des droits de l’homme. Afin d’assurer l’efficacité, le Ministère des Affaires étrangères du Viet Nam, en tenant compte des expériences acquises suite au deuxième cycle, va élaborer un plan d’action général qui sera soumis à l’approbation du Premier Ministre. Ledit plan déterminera les recommandations dont chaque ministère prendra en charge la réalisation. Par la suite, chaque ministère adoptera son plan d’action spécifique pour réaliser les recommandations sous sa charge.

Au premier et au deuxième cycle, le Viet Nam a bénéficié du soutien actif et efficace de la part de plusieurs pays et partenaires, dont les organes de l’ONU. Grâce à cela, la prise de conscience par le peuple des questions relatives aux droits de l’homme et du mécanisme de l’EPU a été rehaussée, les recommandations acceptées par le Viet Nam ont été mises en œuvre de manière complète et efficace. Dans le temps à venir, le Viet Nam souhaite bénéficier de nouveau de ce soutien, de la coopération et des expériences de la part des autres pays ainsi que des organisations internationales, pour une meilleure promotion et une meilleure protection des droits de l’homme, non seulement au Viet Nam mais également dans sa région et dans le monde.

Vous venez d’évoquer les futures priorités du Viet Nam en matière de promotion et de protection des droits de l’homme. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces priorités ?

Malgré ses progrès dans la promotion et la protection des droits de l’homme, le Viet Nam est confronté à de nombreux défis. Premièrement, le perfectionnement du cadre juridique en matière des droits de l’homme est toujours en cours et ne pourra pas être achevé dans un court laps de temps. Deuxièmement, l’étendue du système de sécurité sociale reste relativement modeste, en particulier chez les pauvres et les groupes vulnérables. Troisièmement, les inégalités entre les régions et les groupes de population dans l’accès aux services sociaux de base ont tendance à s’accroitre s’il n’y a pas de solutions rapides.

Face à ces défis, le Viet Nam, engagé à promouvoir davantage et à mieux protéger les droits de l’homme, accorde la priorité absolue à la poursuite de la construction de l’État de droit, de la réforme du système juridique en vue de consolider les fondements institutionnels, juridiques et politiques liés à la promotion et à la protection des droits de l’homme.

Le Viet Nam s’efforcera également d’accélérer la construction d’un gouvernement efficace au service du peuple, de poursuivre les programmes de réforme administrative, de lutter contre la corruption, de promouvoir la démocratie et d’améliorer l’effectivité de l’État de droit, de consolider les institutions nationales de protection des droits de l’homme.

Parallèlement, le Viet Nam concentrera ses ressources sur la mise en œuvre des Objectifs de développement durable en mettant en exergue les politiques en vue de réduction durable de la pauvreté multidimensionnelle, de réduction de l’écart de développement entre des zones géographiques, des groupes de population, particulièrement des groupes vulnérables.

Le Viet Nam poursuivra avec un grand intérêt le dialogue effectif et la coopération efficace avec tous les pays et les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme dans un esprit d’équité, de respect mutuel et de non-ingérence dans les affaires intérieures. Il continue de s’acquitter avec le plus grand sérieux de ses obligations et de ses engagements internationaux en examinant la possibilité d’adhérer à d’autres conventions internationales relatives aux droits de l’homme en fonction de ses conditions propres.

Le Viet Nam poursuivra la mise en œuvre des politiques d’aide sociale en direction des habitants et des groupes vulnérables, des handicapés, des enfants démunis et des victimes de la traite humaine.

En outre, le Viet Nam renforcera l’éducation aux droits de l’homme afin d’améliorer la prise de connaissance de la population en la matière et de renforcer la capacité des organismes chargés de l’application de la loi, ce dans le but de mieux garantir les libertés et les droits fondamentaux aux citoyens conformément aux dispositions de la loi vietnamiennes et aux normes internationales relatives aux droits de l’homme.

Je suis convaincu que le Viet Nam, fort de l’engagement, de la détermination et des efforts de la part de l’État, de l’implication du peuple et du soutien de la communauté internationale, continuera à enregistrer des résultats plus importants dans son œuvre de développement socio-économique, en garantissant ainsi de mieux en mieux les droits de l’homme à chaque citoyen vietnamien, ce pour s’assurer que personne ne soit laissée derrière au cours de son processus de développement.

Par Vo Trung Dung – Rédacteur en chef

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Notes de la rédaction :

Cet entretien a été accordé à Asie Pacifique News et au quotidien suisse La Tribune de Genève à l’occasion du troisième cycle de l’Examen périodique universel (EPU) sur les droits de l’homme. C’est la première fois qu’un haut dirigeant politique vietnamien s’exprime longuement sur ce sujet dans la presse internationale. La transcription de l’entretien a été relue et validée par M. Lê Hoài Trung, vice-ministre des Affaires étrangères du Viêt Nam.

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Mini-édito :

A la lecture de cet entretien, nous observons une différence fondamentale dans la notion, dans la conception des droits de l’homme entre le Viêt Nam — voire une partie non négligeable de l’Asie-Pacifique — et l’Occident. Une sorte de dissonance de conception, des priorités et du langage. Quand, l’Occident parle des droits de l’homme, il parle des droits politiques, et quand le Viêt Nam — ou le Singapour — invoque les droits de l’homme, il pense principalement à la prospérité, aux réussites économiques, à la stabilité sociale, à la sortie de la pauvreté, aux égalités des sexes… C’est comme un dialogue incomplet entre deux personnes ne parlant pas la même langue.

Nous pensons que les droits socioéconomiques sont aussi importants que les droits politiques ouverts. Et vice-versa. Ici, en Asie, c’est une question de priorité !

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