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Le Rêve chinois par L. Kloeckner

Chine : Quelles perspectives pour l’économie en 2019 ?

La Chine a dû faire face à de nombreuses turbulences en 2018 à commencer par les tensions commerciales avec les États-Unis susceptibles de renverser les tendances du commerce mondial. Quelles sont les perspectives pour l’économie chinoise en 2019 dans l’actuel contexte international ? Faut-il s’attendre à un déficit courant pour la Chine cette année avancé par certains analystes ? En réponse à ces pressions internationales, le gouvernement chinois a annoncé d’éventuelles réformes et adopté de nouvelles mesures de relance. Mais cela suffira-t-il à dynamiser l’économie ? Éléments de réponses.

Les conséquences du conflit commercial sur la croissance chinoise

Cela fait près d’un an que Donald Trump a lancé ses offensives commerciales sur les principales puissances économiques mondiales. Le 8 mars 2018, le président américain signait un décret imposant des taxes sur les importations d’acier et d’aluminium. Suivirent ensuite une série de menaces et de contre-attaques avec la Chine et l’Union européenne. Si les relations entre les États-Unis et l’UE se sont apaisées fin juillet 2018 après l’annonce d’un « cessez-le-feu », l’escalade avec la Chine perdure. Le principal objectif à court terme pour la Chine a probablement été d’éviter une hausse des taux des droits de douane de 10 à 25 % sur 200 milliards de dollars d’importations vers les États-Unis. La Maison-Blanche a récemment fait part de son optimisme sur les chances d’un accord commercial avec la Chine consciente que les sanctions en place sont particulièrement douloureuses pour le pays qui fait face à un ralentissement de sa croissance économique.

En attendant, le conflit commercial a déjà eu de lourdes conséquences. La première a été une accélération des importations mondiales de la Chine et des exportations chinoises vers les États-Unis. L’effondrement du yuan a offert un soutien bienvenu à la Chine qui s’est empressée de faire passer ses exportations avant les hausses tarifaires de fin septembre. Sur la période allant de janvier à septembre 2018, les ventes chinoises à destination du marché américain ont ainsi atteint un nouveau record, à plus de 34 milliards de dollars. La guerre commerciale entre les deux pays a clairement pénalisé les secteurs clés de l’économie chinoise. Selon l’indice PMI qui fait état des activités économiques des manufactures chinoises, la croissance du secteur enregistrait son plus bas niveau depuis 2 ans en octobre 2018, à 50,2 points. Les secteurs de la technologie et des semi-conducteurs sont également touchés.

« Le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine a déjà eu un impact sur le commerce extérieur chinois en créant un climat anxiogène qui a sûrement pesé sur l’investissement. Il semblerait qu’un accord serait en vue entre les deux puissances ce qui pourrait être favorable à court terme. Néanmoins, il est évident que même en cas d’entente, le conflit avec les États-Unis ne sera pas définitivement réglé. Il est clair que la bataille technologique sera un des champs dominants dans ce conflit. Pour l’instant, les Américains tentent de fragiliser ce pôle central pour que la Chine ralentisse son ascension voire sa dominance technologique dans le futur », précise Sebastian Paris-Horvitz, stratégiste chez Manutara Advice, ancien directeur de la stratégie chez HSBC en Suisse et d’AXA Investment Managers.

Un objectif de croissance revu à la baisse pour 2019

« La priorité est la stabilisation de la croissance. En dehors des dépenses publiques notamment en matière d’infrastructures et des baisses d’impôts pour les sociétés privées, des mesures en faveur du crédit aux entreprises privées ont été prises. La Banque centrale a mis en place des mesures permettant aux banques de prêter davantage au secteur privé. Ainsi, une des premières clés de 2019 sera l’impact de ces mesures de relance sur l’activité. Pour l’instant, il est trop tôt pour en déterminer l’efficacité. La deuxième clé sera l’évolution du commerce chinois dans le contexte actuel de guerre commerciale avec les États-Unis. Un accord avec ces derniers pourrait rehausser la confiance des entreprises et stimuler les investissements. Enfin, la dynamique de la croissance mondiale sera aussi un élément important. Pour le moment, le ralentissement du commerce mondial n’est pas une bonne nouvelle pour la dynamique chinoise », poursuit Sebastian Paris-Horvitz.

Confrontée à une baisse de la demande intérieure et à une guerre commerciale avec les États-Unis qui mine les exportations, mais également la confiance des ménages et des entreprises, la Chine table désormais sur une croissance comprise entre 6 et 6,5 % du PIB en 2019, inférieure à celle enregistrée en 2018 (6,6 %). Le Premier ministre, Li Keqiang, qui a pris la parole à l’ouverture de la session annuelle du parlement, a annoncé des mesures de relance en prévision d’une croissance attendue en légère baisse. Le gouvernement prévoit notamment la mise en place d’une politique budgétaire « plus vigoureuse » avec des allègements d’impôts et de taxes pour les entreprises. La TVA sur les produits manufacturés (16 %) va être réduite de trois points. Pékin s’est par ailleurs fixé un objectif d’inflation d’environ 3 % comme l’année précédente malgré le ralentissement de la hausse des prix à la consommation. Ces mesures devraient contribuer à compenser les effets négatifs de la guerre commerciale. L’indicateur du secteur manufacturier (PMI) du mois de mars a d’ores et déjà rebondi, créant un sursaut d’espoir chez les investisseurs dans le monde avec un fort rebond des bourses.

« Outre les réformes structurelles engagées, on constate que la Chine adopte une nouvelle stratégie économique. Elle veut devenir un pôle dominant dans le monde de demain en matière de flux économiques, plus précisément dans la circulation des biens. C’est dans ce cadre que s’est développée l’initiative de la nouvelle route de la soie (Belt and Road initiative). La Chine offre des financements à ses pays partenaires afin de construire des réseaux plus performants. Ce sont des investissements colossaux, avec certes beaucoup de questions associées aux conditions, mais qui à terme, si effectués, marqueront probablement la façon où nombre de pays se lieront avec force à la Chine. Enfin, le pays semble toujours poursuivre son objectif de libéralisation économique via l’ouverture de son compte de capital en vue d’une plus grande liberté de circulation des capitaux. Néanmoins, cette ouverture restera très graduelle, d’autant plus que le système financier chinois reste fragile au regard des très hauts niveaux d’endettement », conclut Sebastian Paris-Horvitz.

Nathalie Jouet

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L’image de Une : Le Rêve chinois par © L. Kloeckner

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