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Signature de l'accord CPTPP (TPP-11) à Santiago de Chili.

Accord de libre-échange transpacifique : De TPP à CPTPP, les espoirs du Japon

Le Trans Pacific Partnership (TPP) devenu Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership (CPTPP) après le retrait de Washington. Le TPP à 11 se fera finalement sans la première puissance économique mondiale qui préfère se reposer sur des accords bilatéraux… et des droits de douanes. En sachant que les seconds sont maintenant certains, et le succès des premiers encore hypothétiques.

Le symbole était fort : le jour où Donald Trump a débuté la « guerre économique » en annonçant  les nouveaux barrières tarifaires sur l’acier (25%) et l’aluminium (10%) hormis pour le Canada et le Mexique), à Santiago du Chili, onze Etats signaient le Comprehensive and Progressive Partnership for Trans Pacific Partnership (alias le TPP-11) pour faire tomber les barrières douanières dans une zone centrale sur la carte du commerce internationale.

Un virage que Washington a refusé de prendre. Et dont la locomotive a finalement été menée par un trio constituée du Canada, mais surtout de l’Australie et du Japon.

Le Japon est en effet le pays qui a le plus vécu le retournement des Etats-Unis comme un coup de tonnerre. Shinzô Abe avait d’ailleurs été le premier dirigeant à rencontrer Donald Trump après son élection, avant même d’ailleurs sa prise de fonction effective du siège de président américain.

Le volontarisme du Japon.

Avant le retournement américain de janvier 2018 où le Japon a vu à la fois les Etats-Unis s’effacer comme partenaire commercial, et les pays d’Asie du Sud-Est risquer d’échapper à l’influence commerciale japonaise, tentés par la Chine qui pouvait se positionner comme un partenaire commercial majeur. Mais les excellents négociateurs de Tokyo ont su redresser la barre. Ils ont bataillé dur avant et pendant le sommet de l’APEC en novembre 2017 à Da-Nang, Vietnam.

La question d’une zone de libre échange pouvant inclure des pays comme l’Australie, le Pérou, le Canada, le Mexique ou la Malaisie était en effet un enjeu majeur à Tokyo. En ligne de mire ? L’accès pour l’archipel à des productions agroalimentaires à prix modérés, comme le bœuf australien, ou même les vins australiens, néo-zélandais et chiliens. Une question capitale et un gain considérable dans l’archipel qui a un niveau d’autosuffisance inférieure à 40%.

Autre impact majeur qui va arranger les différentes parties — et qui explique sans doute la volonté de créer malgré tout un TPP-11 — la conquête des immenses importations japonais de blé américain. Le Japon importe en effet, en moyenne, 3,1 millions de tonnes de blé. Un marché conséquent qui pourrait échoir au Canada et à l’Australie, les agriculteurs américains devenant les grands perdants.

Mais au-delà des considérations agroalimentaires, absolument capitale dans les relations Asie/Amérique du Nord/Océanie, le volontarisme du Japon s’explique aussi par une approche « opportuniste » de la volonté américaine de se retirer du TPP, à l’époque où il devait encore compter 12 pays. Car si l’affaire était mauvaise pour le Japon vis-à-vis des Etats-Unis, elle aussi l’occasion pour Tokyo de revenir sur le devant de la scène sur la question de la diplomatie économique. Le ministre de la Politique économique et fiscale Toshimitsu Motegi avait d’ailleurs lui-même annoncé l’accord du TPP-11 lors du sommet de l’APEC en novembre 2017 à Da-Nang.

Le Japon prend le leadership.

Tokyo saisit donc la perche pour prendre le leadership dans l’élaboration de règles sur le commerce en Asie-Pacifique en l’absence de l’Amérique et dans le cadre d’un programme stratégique plus large visant à établir un ordre fondé sur des règles commerciales plutôt que sur un rapport de force fondé sur la puissance. Tokyo espère que le TPP-11 serve de modèle pour un plus grand accord à venir encore, celui du Partenariat économique régional global (RCEP) regroupant les dix pays de l’ASEAN et de six autres pays, dont le Japon, la Corée du Sud et surtout la Chine.  

L’enjeu stratégique est subtil pour le Japon : l’archipel, malgré son poids économique encore conséquent — le pays reste le troisième PIB mondial — peinerait à se faire une place en Asie-Pacifique en usant des seuls accords bilatéraux. Tokyo pense tirer son épingle du jeu en jouant la carte du multilatéralisme dans accords commerciaux en cours de conception. Soit la stratégie exactement inverse des Etats-Unis de Trump qui pensent que son poids permettra de multiplier les accords avantageux. A commencer d’ailleurs par un « deal » avec le Japon, l’Amérique lorgnant en effet sur le marché japonais du bœuf, des produits pharmaceutiques et de l’automobile. La priorité donnée dans le cadre du TPP-11 au Canada ou à l’Australie permet maintenant à Tokyo de peser dans la future négociation avec Washington. Premier round de négociation en juillet.

Et côté économique, le Japon peut aussi essayer de compenser les pertes pour certaines catégories économiques chez ses producteurs intérieurs — dans le domaine agricole par exemple — avec des gains dans d’autres marchés. Un pari sur l’équilibre, plutôt que de revenir à ce qui avait « plombé » les relations économiques entre Washington et Tokyo : les sanctions économiques et les quotas d’importation imposés par les Etats-Unis dans les années 1980 pour bloquer les exportations japonaises.

Damien Durand

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