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UAV Drone ScanEagle. Crédit © Boeing

Mer de Chine méridionale : la guerre des drones

#Défense. De jour en jour, les tensions en Mer de Chine méridionale s’intensifient avec des actions — harassement des pêcheurs, campagnes de relevés géologiques —  sans discontinues de la part de Pékin dans les eaux de ses voisins. Les jeux du chat et de la souris entre les forces navales chinoises et vietnamiennes sont relancés depuis juillet 2019 pour le contrôle, la reconnaissance et la surveillance de l’environnement maritime et des zones économiques exclusives (ZEE).

Le rôle des drones aériens, navals et sous-marins joue et jouera deviendra stratégique dans les années à venir. Car ces appareils sans pilotes et assez « bons marchés » permettront aux pays impliqués d’effectuer des missions plus longues au coût raisonnable.

Il y a quelques mois, le Pentagone a annoncé la vente pour 47 millions de dollars de 34 drones ScanEagle, fabriqués par Boeing, aux gouvernements de Malaisie, d’Indonésie, des Philippines et du Vietnam. Jusqu’à 12 drones et équipements non armés sont déjà en route pour la Malaisie, suivis de huit appareils pour l’Indonésie et les Philippines, et enfin le Vietnam qui en recevra six. Ces drones surveilleront l’espace maritime et collectent des renseignements à la fois militaires et civils comme les bateaux de pêche et le trafic marin.

La technologie des drones est en plein essor. The Business Research Company (TBRC), place le marché mondial des drones commerciaux à 3,45 milliards de dollars en 2018 et à 7,13 milliards en 2022. Le bond en avant prévu de l’Asie-Pacifique en tant que marché en croissance est dû, surtout, à l’augmentation des tensions en Mer de Chine.

Gros chiffres d’affaires en vue

L’engouement pour les drones des pays de l’ASEAN vise à répondre à la stratégie de Pékin en matière de surveillance autonome à longue distance. Depuis presqu’un an, la Chine met en place un nouveau réseau de surveillance par les drones aériens et sous-marins en Mer de Chine méridionale. Les drones chinois légers, programmables et manœuvrables peuvent relayer des images et des vidéos en temps réel depuis des zones inaccessibles vers des centres de commandement et de contrôle mobiles et fixes, renforçant ainsi la position dominante de la Chine dans cet espace maritime.

Tran Viet Thai, directeur général adjoint de l’Institut des études stratégiques étrangères à Hanoi : « la tendance à utiliser les drones dans les activités maritimes va certainement s’accentuer compte tenu de la complexité des questions entourant la Mer de Chine méridionale. »

Dans le cadre de nouvelles coopérations internationales visant à évaluer et à surveiller la pêche illicite, non déclarée et non documentée (INN/IUU), la recherche et le sauvetage en mer et les relevés scientifiques, les systèmes de drone aérien, marin et sous-marin sont bien placés pour atteindre ces objectifs avec un faible coût par rapport aux systèmes classiques.

Toutefois, il existe une « bizarrerie » juridique qui pose problème au déploiement de drones pour la recherche scientifique marine dans la ZEE d’un autre pays. En vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), les nations côtières ont la souveraineté sur les ressources naturelles marines dans leur zone économique exclusive (ZEE), la zone de l’océan qui s’étend à 200 milles marins de leur ligne côtière. L’UNCLOS ne permet pas à un pays d’effectuer des recherches scientifiques marines par télédétection dans la ZEE d’un autre pays, mais les relevés militaires sont autorisés avec ou sans le consentement du pays. Ainsi, aucun relevé océanographique, même celui effectué par des drones, n’est autorisé.

Michael J. Boyle, professeur associé de sciences politiques à l’Université La Salle, : « Ce qui est certain, c’est que la prolifération des drones va changer les règles et les normes de surveillance et de reconnaissance. Elle fera ainsi émerger de nouvelles contre-mesures technologiques et juridiques qui pourraient paradoxalement accroître les tensions entre les pays rivaux sur le long terme… »

Drone sous-marin AUSS de © Thalès
Drone sous-marin AUSS de © Thalès

L’armée chinoise se préparerait à une guerre sous-marine contre les États-Unis pour «la suprématie océanique » 

Ces prochaines années, la Chine compte créer tout un arsenal d’armes sous-marines télécommandées et autonomes pour se préparer à une possible guerre contre les États-Unis, affirme le journal chinois de l’Armée populaire de libération. Elle entend notamment fabriquer des drones sous-marins qui pourraient mener des attaques secrètes et des réseaux de capteurs sous-marins qui sauraient détecter qui se cacheraient sous des plantes au fond de la mer partout dans le monde et transmettraient leurs données par satellite.

La publication de l’Armée populaire de libération chinoise évoque des petits sous-marins qui tiendront des embuscades avec des robots, des armes « fantômes » et des dispositifs bioniques ressemblant à des poissons. Ces armes équipées d’une intelligence artificielle, qui devraient être déployées au début des années 2020, pourraient analyser les signaux sous-marins et des images et « déclencher des explosions préventives pour pousser l’ennemi à céder en raison de sa faiblesse psychologique ».

Réalité ou guerre psychologique par effet d’annonce ?

Selon Lin Yang, directeur des équipements marins à l’Institut Shenyang d’automatisation de l’Académie chinoise des sciences, la Chine travaillait d’ores et déjà sur de très grands sous-marins sans pilote, appelés « XLUUV », destinés à rivaliser avec des projets américains analogues. L’éventuel champ de bataille pourrait être la Mer de Chine méridionale et le Pacifique de l’Ouest.

En avril 2018, la presse chinoise a annoncé qu’un nouveau drone sous-marin chinois avait effectué sa première plongée en Mer de Chine méridionale. Il a atteint une profondeur de 3.955 mètres et a parcouru 24,8 km. Construit par l’Institut Shenyang d’automatisation, le Qianlong III ressemble au célèbre poisson-clown du dessin animé « Le monde de Nemo ». Toujours selon le journal militaire chinois, les ingénieurs pourraient lui apprendre à mener des missions de combat et même à poser des mines sous-marines.

L’entreprise Ziyan fait partie de ces entreprises chinoises qui développent des drones de combat. Ils ont construit le Blowfish A3, un drone qui serait capable de communiquer facilement grâce à une intelligence artificielle. Il serait capable de former un essaim avec d’autres drones du même type et de coordonner des attaques ciblées sans l’intervention humaine.

L’entreprise affirme qu’il « effectue de manière autonome des missions de combat plus complexes, y compris la détection à point fixe, la reconnaissance à portée fixe et des frappes ciblées de haute précision ». Ils sont aussi équipés d’une mitrailleuse légère ou de missiles.

Et la guerre des drones ne fait que commencer en Mer de Chine méridionale.

Vo Trung Dung

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