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Graves incidents en série en mer de Chine méridionale : des bateaux chinois coulent trois chalutiers vietnamiens

Port de Da-Nang. La foule fixe le point mouvant au loin. Peaux tannées par le soleil, elles sont mères, épouses, sœurs de marins. Et des enfants qui tentent de se hisser sur leurs pointes de pied. Le point mouvant se matérialise en un navire blanc. Le silence grave finit par laisser la place aux cris, aux pleurs. Un mélange de sons indescriptibles de voix humaine et des turbines de 40 000 chevaux en décélération du navire vietnamien de secours en haute mer, le SAR 412.

Une vieille dame, mère d’un des marins : « Merci Bouddha de m’avoir ramené mon enfant sain et sauf ! »

Elle se lance vers le ponton où commencent à émerger les 34 marins en tenue orange. Ils étaient encore quelques jours auparavant sur leur chalutier en bois immatriculé QNa-95959-TS. « QNa » pour province de Quang-Nam, « TS » pour Truong-Sa, le nom vietnamien des îles Paracels. En 1974, la Chine a pris par la force, à l’issu d’une bataille sanglante, à la République du Vietnam (Sud) ce groupe d’îles et d’îlots, à la veille de la fin de la guerre dite du Vietnam. Le Vietnam réclame à la Chine leur retour. Sans succès.

Crime en mer

Le 3 mai. Il était 23h. Ils pêchaient dans l’archipel des Paracels. Le capitaine Pham Phu Thanh dirigeait l’opération. Le temps était calme, idéal pour la pêche au calamar. De puissantes lampes éclairaient l’eau, attirant les mollusques. Puis tout à coup, sans avertissement, un navire leur a foncé dessus.

Le capitaine : « C’était le navire de fer contre notre coque en bois. Nous ne pouvions rien faire. En moins de cinq minutes, mon bateau a sombré. Tout le monde à l’eau en pleine nuit. Notre agresseur était chinois. J’en suis certain mais je n’ai pas le temps de relever le numéro. Et il est parti. Il s’agit d’un crime ! »

Par chance, un autre patron pêcheur, présent sur la zone, a pu venir et sauver tout l’équipage. Désormais, le QNa-95959TS cassé en deux morceaux gît au fond de la mer de Chine méridionale.

Non-assistance

Quelques semaines plus tard, le 18 juin 2016, le QNg-95821-TS, immatriculé à Quang-Ngai, voguait à 35 miles nautiques de l’île Lincoln, toujours dans l’archipel des Paracels, quand le capitaine Nguyên Tuân a vu deux canots rapides, du genre des commandos marins, se diriger vers lui. Pendant une heure, ils lui tournaient autour, serrant dangereusement de près le bateau. Ils lui bloquaient la navigation et empêchaient le déploiement des filets.

Capitaine Nguyên Tuân : « Les canots sont partis après nous avoir empêché de naviguer et de pêcher. Ce sont les Chinois même s’ils n’ont pas hissé leur drapeau ! »

Dans la même zone, le 9 juillet 2016, vers 10h50 du matin, heure du Vietnam, M. Vo Van Luu, le capitaine, manœuvrait le bateau de pêche QNg-90497-TS dans sa zone de pêche habituelle quand deux énormes navires de surveillance maritime aux couleurs de la Chine ont fait leur apparition. Les pêcheurs vietnamiens ont pu relever les numéros : 46102 et 56103. Des navires des garde-côtes et de la surveillance maritime chinois. A 11h, les deux navires chinois ont pris en tenaille le QNg-40497-TS provoquant son naufrage. Les 5 marins présents à bord ont eu juste le temps de sauter à l’eau pour éviter d’accompagner leur bateau. Les 6 et 18 mars, le même navire de surveille maritime 46102 a déjà attaqué et dépouillé deux autres bateaux de pêche vietnamiens dans cette zone.

Le capitaine Vo Van Luu du QNg-90497-TS : « J’ai pu donné l’alerte avant de me jeter à l’eau. Mon confrère — le QNg-95001-TS — se trouvant à proximité est venu à notre secousse. Mais les deux navires chinois, par leur masse imposante, lui ont barré la route, empêchant ainsi le secours. C’est un crime ! »

Le QNg-95001-TS a fini par repêcher les 5 marins. Il était 19h20. Presque 10 heures après !

Pêcheurs paramilitaires de Hainan

La Chine utilise ses autorités de police et ses pêcheurs militarisés pour « exercer » sa revendication territoriale en mer de Chine. Puisqu’elle la considère comme à l’intérieur de ses « frontières ». Sa marine de guerre, en soutien, n’est jamais loin. Cette stratégie représente un double avantage selon la Chine : affirmer une situation juridique et éviter le risque d’un éventuel accrochage avec une autre marine, en particulier, la marine de guerre américaine.

Les attaques de ce type, avec plus ou moins de gravité, d’après les pêcheurs et des sources officielles souhaitant garder l’anonymat, ont lieu régulièrement. Cependant, elles deviennent plus fréquentes ces six derniers mois, avec plus de gravité. Une autre nouveauté : aujourd’hui, les autorités vietnamiennes les communiquent en « clair ». Jusqu’alors, elles se contentaient d’annoncer qu’ « un navire étranger non identifié a coulé un bateau de pêche vietnamien… »

Après avoir délivré à la Chine une demande d’enquête, les autorités vietnamiennes déclarent « soutenir les pêcheurs « pour obtenir réparation. Quant aux pêcheurs, ils affirment préparer un dossier contre Chine. Et traîner la Chine devant un tribunal international, pour acte de piraterie et violation des lois de la mer ! »

© Vo Trung Dung

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