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Singapour Dessin - © Hong Sek Chern

L’Asie du Sud-Est et la pandémie de COVID-19. Le cas du Singapour

Les nations d’Asie du Sud-Est ont eu des réponses variées à la pandémie de COVID-19. Un cas à part : le Singapour fait preuve d’une grande compétence dans la gestion de l’épidémie, tandis que la majorité des nations d’Asie du Sud-Est sont confrontées à un manque de capacités techniques, à des systèmes de santé non préparés et à une faible sensibilisation du public. Après le Singapour, le Vietnam s’en sort plutôt bien, pour le moment, en adoptant aussi très tôt des mesures fortes et en employant ses expériences tirées des crises sanitaires du passé comme celle du virus H5-N1. Et la Thailande vient d’être placée sous le régime de l’état d’urgence.

Le premier cas de COVID-19 en Asie du Sud-Est a été découvert à Singapour le 23 janvier. Ce n’est pas une surprise pour Singapour, qui se prépare à l’apparition du virus depuis la fin du mois de décembre. Le résultat a été un faible taux de mortalité par COVID-19.

En revanche, l’Indonésie a nié à plusieurs reprises l’existence de cas de COVID-19 jusqu’au 2 mars, et depuis lors, les chiffres ont augmenté de façon extrêmement rapide. L’Indonésie a le plus grand nombre de décès par COVID-19 en Asie du Sud-Est, suivie par les Philippines et la Malaisie.

La montée en flèche du nombre de patients atteints de COVID-19 en Malaisie est principalement due à l’interdiction tardive des rassemblements religieux. La Malaisie a ensuite mis en place un verrouillage national et, de même, les Philippines ont mis en place une politique de verrouillage dans la région de Luzon, y compris à Manille. Pendant ce temps, le Laos et le Myanmar continuent de nier tout cas confirmé de COVID-19.

Le Singapour : recherche scientifique de haut niveau et excellent système hospitalier

Singapour a eu connaissance de l’épidémie de Wuhan en décembre 2029 et a immédiatement commencé à mener des recherches en laboratoire sur le virus, a renforcé le contrôle et la surveillance des frontières et a mis en place un contrôle des températures pour les vols en provenance de Wuhan et ensuite du reste de la Chine. La réaction immédiate de Singapour est sans doute le résultat du traumatisme causé par l’épidémie de SRAS de 2003, qui a gravement affecté l’économie et la population du pays.

Après la confirmation de son premier patient COVID-19, Singapour a mobilisé les policiers et l’équipe médicale pour suivre toutes les contractions possibles. La surveillance de la pneumonie avancée et le test d’anticorps à l’échelle nationale ont rapidement permis de trouver les patients infectés et d’autres processus d’isolement ont été rapidement mis en place. Leurs technologies de pointe ont été soutenues par la qualité des soins de santé de Singapour, mondialement reconnus, en particulier par les professionnels médicaux qualifiés, dont les entretiens avec les patients et les soupçons fondés sur des données cliniques et épidémiologiques ont accéléré la confirmation, le confinement et le traitement des porteurs de coronavirus.

Dans la lutte pour contenir le virus, Singapour a créé un site web et une application en ligne appelée TraceTogether afin d’améliorer la transparence de la situation et de garantir que les personnes consignées à domicile respectent la politique de quarantaine.

Ces plateformes en ligne répertorient les lieux et les heures de présence des porteurs potentiels de coronavirus et utilisent le Bluetooth pour détecter ceux qui se sont trouvés à moins de deux mètres d’un patient atteint de coronavirus confirmé pendant au moins 30 minutes. En outre, le gouvernement accorde très vite des mesures d’aide financière et des garanties de revenu aux salariés et aux travailleurs indépendants obligés de se mettre en quarantaine.

Il est toujours intéressant d’étudier comment le Singapour a réussi — pour le moment —, comme la Corée du Sud,Taïwan et le Japon, à contenir de façon efficace la pandémie. Mais on doit aussi savoir que les mesures singapouriennes ne peuvent pas dans l’immédiat ou devenir en quelques années transposables aux pays voisins ni à l’Europe. En particulier, la protection de la vie privée — l’utilisation des données mobiles associées à une identité pour le contrôle de la population — qui exige des modifications législatives lourdes en termes des libertés fondamentales.

La cas d’Indonésie

Inversement, le retard de confirmation et de réaction de l’Indonésie face à l’épidémie de COVID-19 a entraîné un manque de préparation dans le traitement et le confinement des porteurs du virus.

L’Indonésie dispose d’une liste d’hôpitaux de référence pour les personnes soupçonnées d’avoir été infectées par le coronavirus. Néanmoins, cela limite l’accès des personnes au test COVID-19, car les hôpitaux non répertoriés n’acceptent pas les personnes présentant des symptômes du coronavirus. Les lits d’hôpitaux à des fins de quarantaine sont également rares. En outre, l’Indonésie s’appuie sur le séquençage des gènes et la réaction en chaîne de la polymérase (RT-PCR) pour tester la présence de coronavirus, ce qui nécessite un délai de confirmation plus long. Les appareils de mesure thermique ne sont présents que dans quelques lieux publics, comme les gares ferroviaires et les terminaux de ferry, et ils sont encore invisibles dans un certain nombre d’aéroports.

Ce manque de capacité technique et de préparation du système de santé est un défi auquel sont confrontés la majorité des pays d’Asie du Sud-Est, à savoir la Thaïlande (malgré la performance de secteur privé), les Philippines et la Malaisie. Cette situation a entraîné une augmentation du nombre de cas et un nombre élevé de décès dans ces pays. De nombreux autres cas ne sont toujours pas détectés.

Les mesures désordonnées des nations de l’Asie du Sud-Est

Pendant ce temps, en Indonésie et en Malaisie, les citoyens ignorent les annonces publiques concernant les procédures de distanciation sociale. Il y a des cas d’Indonésiens qui profitent de la possibilité de travailler à domicile et d’étudier à domicile pour visiter des lieux touristiques. Le travail à domicile est également limité aux grandes entreprises et à quelques entreprises d’État. En effet, les entreprises s’inquiètent de leur survie si elles doivent continuer à payer leurs employés travaillant à domicile alors que les entreprises continuent à connaître un ralentissement économique.

De même, malgré la découverte de cas COVID-19 fin janvier 2020, la vie en Malaisie s’est poursuivie comme d’habitude. L’augmentation soudaine du nombre de cas est principalement due à la transmission qui s’est produite pendant les prières du vendredi, auxquelles ont assisté environ 16 000 personnes de fin février à mars.

Bien que la Malaisie soit maintenant fermée, il y a encore des marchés et restaurants ouverts. L’aggravation de la situation en Malaisie est également due aussi aux récentes instabilités politiques. Le Premier ministre et le ministre de la Santé ont tous deux été récemment élus et le cabinet est composé de plusieurs ministres qui en sont à leur première expérience.

En outre, la politique de l’emploi en Malaisie dans le contexte de la fermeture du pays n’est toujours pas claire, ce qui est également le cas aux Philippines. Tant les Malaisiens que les Philippins s’inquiètent de leurs revenus, ainsi que des risques de pénurie alimentaire. Toutefois, pour les travailleurs malaisiens à Singapour, le Premier ministre singapourien a promis de les soutenir financièrement.

Quant au Laos et au Myanmar, les deux pays nient avoir confirmé des cas massifs de COVID-19. Le Laos en a annoncé deux. Cette situation suggère que ces pays n’ont pas la capacité technique pour détecter le virus ou qu’ils cachent les cas signalés pour éviter le chaos. Quoi qu’il en soit, les pouvoirs publics ont interdit plusieurs rassemblements de masse, y compris les événements officiels. Les deux gouvernements surveillent également les déplacements dans leurs pays, en particulier ceux en provenance de Chine et des pays voisins d’Asie du Sud-Est. De même, le Vietnam et le Cambodge ont suspendu tous les vols internationaux, comme la plupart des pays dans le monde.

Quelle gouvernance pour les pandémies ? Une possible stratégie commune ?

Ces mesures prises par différents pays d’Asie du Sud-Est pourraient permettre de mettre en œuvre un certain nombre de tentatives transnationales dans la région pour renforcer leur lutte contre le coronavirus. Il s’agit notamment d’un échange intensif d’informations, d’une augmentation des échanges de technologies, d’une surveillance transnationale des mouvements transfrontaliers, d’un soutien régional à la main-d’œuvre et d’une plus grande transparence et collaboration entre les ministères et les établissements de santé.

Dans ce type de crise sanitaire pandémique, la meilleure stratégie est sans aucun doute la coopération transnationale et régionale. Quand on voit comme l’Union européenne, une vraie structure politique et opérationnelle, gère — très mal — la pandémie du CoVid-19, tout au moins au début, on peut imager sans peine la difficulté actuelle des nations de l’Asie du Sud-Est de parler d’une seule voix. À cela, ajoutent les différentes du niveau de la taille de la population, du développement, économique, technique et scientifique, politique de ces pays.

Dans des pays aussi divers que la Chine, l’Israël, le Singapour, la Corée du Sud et le Taïwan, des applications mobiles ont été mises à la disposition du public pour lui permettre de signaler régulièrement sa température et son état de santé. En Chine, en Israël et à Singapour, les autorités utilisent et tentent d’utiliser les données — non anonymisées — des téléphones portables pour trianguler la proximité des passants ordinaires avec les personnes infectées enregistrées dans les bases de données.

Dans certains pays, la collecte des données est utilisée à bon escient, transparente et sous-contrôle démocratique. Dans d’autres, l’usage des informations personnelles perdurera après la fin de la pandémie. Aujourd’hui, la question de l’intrusion dans la vie privée et d’autres entorses à l’Etat de droit semblent momentanément sans objet. Au nom de l’urgence.

Les gouvernements nationaux et supranationaux justifient ces pratiques au nom de l’intérêt général pour lutter contre la pandémie. La Chine peut par exemple invoquer des « campagnes autoritaires ». Les États-Unis peuvent qualifier leur réponse de « mesure d’urgence ». Les Sud-Coréens, les Espagnols, les Iraniens, les Italiens et les Singapouriens peuvent qualifier « pour le bien commun » leur réponse de plan d’action du gouvernement et de la société. Etc.

Pour vaincre une menace biosécuritaire mondialisée, il faut nécessairement un partage des renseignements en temps réel. Pour de nombreux gouvernements souverains, cela est plus facile à dire qu’à faire. Le Nord et le Sud doivent trouver une plateforme commune dépolitisée pour échanger des informations pertinentes sur les dernières menaces virales. C’est ce que les entreprises de cybersécurité et les agences nationales de cybersécurité font déjà pour surveiller les virus informatiques en temps réel.

Concernant les deux puissances mondiales, le président chinois Xi Jinping et le président américain Donald Trump devraient tous deux établir un canal de communication « apolitique ». Par ce canal, les centres de recherche et établissements médicaux respectifs pourraient échanger les dernières informations sur les menaces pathogènes de façon transparente et équitable.

Ce partage en temps de crise n’empêche pas — par des règles claires — la protection de la propreté intellectuelle des parties prenantes. Et par-dessus tout, le partage mondial des renseignements en matière de biosécurité devrait fonctionner au-delà des considérations nationales et nationalistes. Simplement parce que les agents pathogènes affectent tous les êtres humains, quelle que soit leur affinité politique.

Par Vo Trung Dung

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Illustration de Une : © Hong Sek Chern, Singapour.

Bio : Née en 1967, Hong Sek Chern a obtenu un diplôme en beaux-arts de l’Académie des beaux-arts de Nanyang (NAFA) en 1995 et un MFA du Goldsmiths College de l’Université de Londres en 1998. Elle a exposé dans le pays et à l’étranger. Elle a été nommée parmi les « jeunes talents du Président » par le Singapore Art Museum (2001), et a représenté Singapour à la Biennale de Sao Paolo (2002) et à la Biennale internationale de peinture à l’encre de Shenzhen (2006). Son interprétation du paysage urbain à  l’encre lui a valu plusieurs prix à Singapour et, en 2000, elle a reçu le prix du jeune artiste du Conseil national des arts du Singapour.

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