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Trois questions à Christopher Dembik, Saxo Bank, sur la hausse des salaires en Asie du Sud-Est

Suite à notre article sur les hausses des salaires en Asie du Sud-Est, nous avons posé trois questions à ce sujet à Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique à Saxo Bank.  Quelles conséquences éventuelles  pour les pays d’Asie dont l’économie et le développement misent sur le faible coût du travail ?

#1. Les hausses de salaires en Asie du Sud-Est sont-elles suffisamment importantes pour considérer qu’elles vont réellement impacter la société des pays concernés ? Est-ce vraiment un tournant économique ?

« A priori non. Et il suffit de regarder l’exemple de la Chine pour s’en convaincre. Dans ce pays, on a vraiment assisté à l’émergence d’une classe moyenne issue d’une partie de la classe ouvrière. Mais cela s’est fait avec des hausses de salaires d’au moins 10%, en moyenne, par an, et sur une période beaucoup plus longue. Les deux phénomènes ne sont donc pas encore comparable, l’Asie du Sud-Est étant encore très loin de ces chiffres. »

#2. Les investisseurs étrangers vont-ils jouer le jeu, ou vont-ils essayer à terme de se soustraire à cette tendance haussière sur les salaires ?

« On pourrait le penser à la base quand ont sait que les investissements en Asie du Sud-Est sont la suite d’un mouvement de délocalisations qui a commencé de l’Europe vers le Maghreb, puis du Maghreb vers la Chine, avant d’arriver maintenant dans le sud-est asiatique. Mais il y a un blocage. La prochaine étape serait naturellement l’Afrique pour continuer à maintenir des coûts très bas, mais le continent n’a pas les infrastructures nécessaires. Ce n’est donc pas un mouvement sans fin. »

« De plus, les producteurs doivent aussi faire face à une hausse du niveau des exigences des consommateurs occidentaux, plus sensibles aux conditions de production. Enfin, il peut y avoir un intérêt à favoriser l’émergence d’une classe moyenne dans ces pays pour de simples raisons de débouchés. »

#3. La tendance à l’amélioration peut-elle initier un mouvement social important pour réclamer une hausse durable des salaires, puisque l’écart avec la Chine justement reste encore important ?

« Cela me semble difficile. Les pays d’Asie du Sud-Est restent dirigés par des régimes imposant un important contrôle sur les populations. Bien sûr, des phénomènes comme les Printemps arabes ont aussi leur origine dans des exigences salariales, mais je doute de la capacité de mobilisation de la classe ouvrière dans cette région du monde. De plus, le changement social est souvent initié par une élite, comme on l’a vu lors de la transition en Indonésie à la fin des années 1990. Or, il n’y a pas pour l’instant de relais des élites pour les revendications des employés du secteur industriel. »

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