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Ouvrière dans une usine textiles, Vietnam. Photo (c) DR

Asie du Sud-Est : le SMIC dans l’industrie s’envolent ! Salaire et conséquences

Les bas salaires en Asie du Sud-Est ont décollé en 2017. La tendance pour 2018 part sur les mêmes bases. Si la main d’oeuvre reste encore largement bon marché, en comparaison de la Chine notamment, cette tendance pourrait changer l’avenir de l’industrie dans la région. « Pourrait » seulement, car les conséquences restent incertaines.

Une envolée. En Asie du Sud-Est, l’année 2017 a été celle du décollage considérable des salaires minimums, important principalement les travailleurs du secteur secondaire. Une orientation plus politique qu’économique, qui pousse les industriels soit à l’investissement, soit à la recherche éventuelle de solutions de production moins chères… s’il en reste!

Le salaire minimum à la hausse de 3 à 11%, jusqu’à 30% en Birmanie

D’autant que 2018 s’annonce encore comme une nouvelle année de hausse salariale. Le ministère du Travail de Thaïlande a déjà annoncé qu’en 2018, le salaire minimum quotidien devrait encore augmenter de 10 baht pour s’établir à 300 baht (environ 7,75 euros) quotidiennement soit un gain de 3%.

Au Vietnam, c’est une hausse de 6,5% du salaire minimum qui est attendue pour 2018 après un bon de 7,3% en 2017. Au Cambodge, le Premier ministre — depuis 1985 — Hun Sen a annoncé que 2018 verrait le « Smic » local grimper à 135 euros mensuels environ, avec un gain spécial de 5 euros supplémentaires pour les ouvriers travaillant dans les domaines du textile et de la chaussures. Pour ces derniers, le gain en 2018 sera donc de 11%.

Mais ces hausses sont largement dépassé par le bond que va faire une Birmanie en plein développement économique et où les travailleurs verront leur salaire minimum quotidien passer de 3.600 kyat (2,20 euros) à, selon la région où ils vivent, une fourchette comprise entre 4.000 et 4.600 kyat (de 2,45 à 2,60 euros) soit un bond de 10 à 30%.

La tendance des industriels occidentaux par rapport l’Asie du Sud-Est va donc être scrutée de près par les observateurs économiques. Les promoteurs de la main d’oeuvre asiatique avancent volontiers que le coût n’était pas le seul élément incitatif à l’implantation d’une unité de production. Une certaine stabilité des Etats de la région depuis les années 1980, la discipline des salariés remarquable à ce niveau de salaire, et une capacité de travail passaient également pour des facteurs faisant de la région « l’atelier du monde ». Cela sera-t-il suffisant pour résister à l’attraction tarifaire du Bangladesh, de l’Ethiopie, voire, pour la Thaïlande ou le Vietnam, d’un Myanmar même en pleine hausse ?

Portes ouvertes aux robots ?

Autre possibilité qui pourrait aussi émerger de ces augmentations salariales, si elles perdurent en 2018 : que l’industrie du Sud-Est asiatique commence enfin à, sérieusement, initier un processus de robotisation des ses lieux de production. Selon les chiffres de l’International Federation of Robotics (IFR), sur les 21% de hausse dans l’installation de robots en Asie sur la seule année 2017, très loin devant les autres continents, c’est la Chine qui en a capté la majorité, et, dans une moindre mesure la Corée du Sud.

Mais la question est sensible politiquement dans les pays concernés. Plus sensible d’ailleurs que celle du salaire minimum. En 2016, un rapport de l’Organisation internationale du travail estimait qu’un processus massif de robotisation dans cette zone géographique pourrait amener à la destruction de deux tiers des emplois du textile. Reste à savoir si les industriels vont franchir le pas. Si la robotisation permet à la fois d’obtenir des gains de productivité, de se prémunir d’une hausse trop rapide des salaires et d’éviter une délocalisation hasardeuse, certains fabricants hésitent à franchir le pas.

Crystal Group, le géant du textile basé à Hong Kong (qui n’est bien sûr en rien son lieu de production) estimait en janvier par la voix de son PDG Andrew Lo qu’il ne se lancerait pas dans la robotisation dans ses usines à ba coûts de main d’oeuvre en Asie. Le faible prix de la petite main est encore supérieure dans le coeur des industriels au gain de productivité du robot. Reste à savoir quand les pays d’Asie du Sud-Est franchiront la limite mal fixée, mais qu’a déjà dépassé la Chine

L’Empire du Milieu a, en effet, supporté des hausses de salaires de 12% par an entre 2000 et 2010, une période dans laquelle le pays a largement dépassé en termes de coût du travail l’Asie du Sud-Est. Avant, depuis le tournant de la décennie, de développer à tout crin a robotisation. Conséquence : une hausse de la productivité, le maintien du pays dans sa part de marché mondiale dans le domaine du textile (37% de parts de marché mondiales en 2016) et…une perte de 2 millions d’emplois dans le domaine. Le pays a tenu politiquement et socialement. En serait-de même au Cambodge, au Vietnam ou en Thaïlande ?

 

Damien Durand

@DDurand17

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