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2017 Flotte US Navy dans le Pacifique — Crédit photo © US NAVY

L’USS Theodore Roosevelt touché (pas coulé) par le coronavirus

Le commandant du porte-avion américain l’USS Theodore Roosevelt (CVN-71) a demandé, le 30 mars 2020, au Commandement de la flotte américaine du Pacifique de retirer son équipage de son porte-avion et de les envoyer tous en quarantaine, sur la terre ferme de l’île de Guam. Sur le navire, une épidémie de COVID-19 se propage à un rythme accéléré. La promiscuité propre à un navire contribue à la propagation rapide du coronavirus parmi les équipages marins et d’aviateurs. Il s’agit d’une première dans l’histoire militaire des États-Unis ! Comme quoi un virus peut « vaincre » la Marine la plus puissante du monde.

La semaine dernière, le porte-avion est revenu à la base navale de Guam après que trois marins aient été testés positifs au COIVD-19. Ils ont été ensuite envoyés dans un hôpital voisin. Le navire reste consigné et confiné à quai pour tester tous les marins et isoler ceux qui ont été infectés après des contacts avec l’équipage.

« Aucun membre de l’équipage ne sera autorisé à quitter Guam autrement que sur le quai. Et nous commençons déjà à tester jusqu’à 100 % de l’équipage pour nous assurer la maitrise de la situation », a déclaré le secrétaire d’État à la Marine par intérim, Thomas Modly, lors d’une conférence de presse. Depuis lors, l’équipage demeure isolé sur la jetée et maintenu à l’écart du reste de la population militaire et civile de l’île pendant que les tests se poursuivent.

La sanction du « lanceur d’alerte »

« Les diagnostics n’ont aucune influence positive et directe sur le ralentissement de la propagation du virus COVID-19. Le test confirme simplement la présence du virus. En raison de la proximité requise sur un navire de guerre et du nombre actuel de cas positifs, chaque marin, peu importe son grade, présent à bord du porte-avion, doit être considéré comme un « contact étroit » conformément aux [directives de la Marine] », a- écrit, le commandant du navire, M. Brett Crozier dans une lettre de quatre pages très critiques pour demander des actions plus appropriées afin de « sauver son équipage ». Il vient d’être relevé de sa fonction par son ministère ce mercredi 2 avril 2020 selon une information exclusive mise en ligne par l’agence de press Reuters. Le secrétaire d’État à la Marine par intérim, Thomas Modly lui reproche « d’avoir failli à ses devoirs de réserve et de la confidentialité » imposée à tout militaire, pour avoir « fuité » cette lettre à la presse.

« Je n’ai aucune information et je n’essaie pas de suggérer qu’il a divulgué l’information », a déclaré M. Modly lors d’une conférence de presse aujourd’hui à ce sujet de sanction. « Il l’a envoyée assez largement, et en l’envoyant assez largement, il n’a pas pris soin de s’assurer qu’elle ne pouvait pas être divulguée, et cela fait partie de sa responsabilité. » a-t continué M. Modly à propos de cette lettre.

Cette sanction, deux jours après la fuite supposée de la lettre du capitaine dans la presse américaine — USNI News et le journal San Francisco Chronicle, montre comment l’épidémie du coronavirus met à l’épreuve toutes sortes d’institutions américaines, même celles normalement habituées à des missions dangereuses et complexes comme l’armée américaine.

L’action contre le commandant Brett Crozier pourrait avoir un effet dissuasif sur d’autres membres de la Marine cherchant à attirer l’attention sur les difficultés rencontrées à un moment où le Pentagone retient certaines données détaillées sur les infections à coronavirus pour éviter de saper la perception de l’état de préparation — ou de l’impréparation — de l’armée américaine en cas de crise de ce type ou de conflit en général.

La transparence de l’armée américaine en question

L’agence de presse Reuters a annoncé la semaine dernière que les forces armées américaines commenceraient à cacher au public certaines données sur les infections dans leurs rangs. Selon plusieurs sources, plus de 1 000 personnes travaillant pour le Pentagon sont infectées du coronavirus dont 633 militaires en service sur le terrain. Tant dis que le chiffre officiel publié est de 343.

Aux dernières nouvelles, environ 1 000 marins — un cinquième de l’équipage du porte-avion — ont été débarqués du navire à la base navale de Guam, un territoire insulaire américain dans le Pacifique occidental, et placés en quarantaine, une semaine après que le premier cas de coronavirus ait été signalé sur le porte-avions.

« Un total de 114 membres d’équipage ont été testés positifs pour le COVID-19, la maladie respiratoire causée par le virus hautement contagieux, » a déclaré le 2 avril 2020 à Guam, le contre-amiral John Menoni, le plus haut commandant de la marine de la région. « Les marins évacués ont été transportés en groupe vers des hôtels vacants de l’île pour y terminer une quarantaine de deux semaines, » a-t-il dit.

Bien que la Marine ait déclaré que 2 700 membres d’équipage seraient finalement mis en quarantaine à bord du navire, le contre-amiral John Menoni a insisté sur le fait que le porte-avion « pourrait prendre la mer demain » si nécessaire. Sans qu’on sache si c’est pour se mettre en quarantaine ou pour partir en opération…

Les critiques de l’opposition démocrate

La sanction à l’encontre du commandant Brett Crozier a été critiquée par le sénateur démocrate Mark Warner, vice-président de la commission sénatoriale du renseignement, qui a décrit le capitaine comme un patriote « essayant simplement de faire ce qui est le mieux pour son équipage. Je ne sais pas pourquoi vous punissiez quelqu’un pour cela, surtout avec autant de vies en jeu », a-t-il déclaré.

LUSS Theodore Roosevelt n’est que le dernier exemple en date de la propagation du virus respiratoire au sein de l’armée américaine. Les responsables de la marine disent que les marins de plusieurs navires ont été testés positifs, y compris un navire d’assaut amphibie à San Diego.

Le sénateur américain Jack Reed, principal démocrate de la commission sénatoriale des services armés, a déclaré que l’incident de l’USS Theodore Roosevelt « soulève des questions cruciales sur la stratégie de la marine pour combattre COVID-19 dans les rangs et à bord des navires et des sous-marins ».

Après quelques jours de polémique et de critiques de tous bords politiques, l’auteur des déclarations désobligeantes à l’encontre du commandant Crozier, le secrétaire d’État à la Marine par intérim, Thomas Modly, « lâché » dans la foulée par Donald Trump, a présenté sa démission. Démission acceptée.

Deux scénarios se présentent

Le premier propose que les quelques 5 000 marins du porte-avion restent sur leur navire à quai. Avec l’aide des équipes médicales, ils vont se battre contre la maladie et qui vont subir des pertes certaines dues au virus. Pour le moment, comme les tests sont en cours, on ne sait pas exactement combien de marins sont infectés, mais les ratios de l’infection pouvant aller de 30 à près de 100.

Le second consiste à mettre activités et opérations du navire complètement à l’arrêt, à transférer les marins en quarantaine sur la terre ferme et à désinfecter le navire avec un équipage réduit à bord pour assurer la maintenance du réacteur nucléaire et des systèmes essentiels. Ce scénario est sans doute le meilleur. Cependant, il n’est pas certain que Guam ait la place suffisante — en configuration de quarantaine sanitaire satisfaisante — pour héberger tout équipage du porte-avion.

Bien que la Marine ne sache pas exactement d’où vient le virus, le porte-avion a effectué une visite portuaire au Vietnam avec le croiseur lance-missiles USS Bunker Hill (CG-52) fin février et début mars 2020. L’USNI News a appris que trois marins ont été en contact avec une personne pendant l’escale qui a ensuite été détectée positive au COVID-19 — l’information relevée par les autorités sanitaires vietnamiennes.

Cependant, les dirigeants de la Marine ont souligné la semaine dernière que le navire avait reçu beaucoup de visiteurs — Vietnamiens, mais aussi Américains et le corps diplomatique au Vietnam — à bord et en dehors du navire pendant la même période. Le commandant de la flotte américaine du Pacifique, l’amiral John Aquilino, faisait également partie de la délégation qui s’est rendue au Vietnam pour la visite du port de Da Nang. Il a déclaré à USNI News la semaine dernière que lui et son équipe n’avaient pas présenté de symptômes de la COVID-19 et n’avaient pas été testés.

Vo Trung Dung avec USNI News et Agences.

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