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Mer de Chine : Pékin mise sur la stratégie du statu quo

Navire militaire chinois en mer de Chine méridionale — © Vo Trung Dung / AsiaPacNews
Navire militaire chinois en mer de Chine méridionale — © Vo Trung Dung / AsiaPacNews

La Chine revendique 90% de la mer de Chine méridionale en y dessinant une ligne floue de 9 traits. Elle y inclut les îles et ilots appartenant et revendiqués par des pays voisins comme le Vietnam, les Philippines. Les derniers ont demandé à la Cour permanente d’arbitrage de La Haye (CPA), un tribunal international, de prononcer un jugement sur l’état des revendications de la Chine. L’instance rendra le verdict le 12 juillet 2016 qui devra — selon le pronostic des experts — invalider les « 9 traits » chinois. D’ici-là, la Chine cherche par tous les moyens à discréditer par avance le jugement de la PCA.

La mer de Chine méridionale en mai. La météo est excellente. L’eau est d’un bleu paradisiaque. Un destroyer lance-missiles américain navigue dans les 12 miles nautiques d’une île occupée et revendiquée par la Chine comme son territoire. Cette opération « liberté de navigation » conduite par la 7ème flotte américaine va déclencher, comme de d’habitude, des protestations de la part de Pékin.

« Les États-Unis défient et provoquent le nouvel ordre maritime en maniant sa puissance militaire », déclare le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Lu Kang. Et son collègue militaire de la Défense ann,once que le pays renforcerait ses capacités dans le domaine selon les besoins.

La reprise des Etats-Unis de « la liberté des opérations de navigation » dans la mer de Chine méridionale — avec trois opérations depuis octobre, après une interruption de trois ans — montre l’attention mondiale sur une route maritime essentielle où passent plus de la moitié des super conteneurs du monde, où les échanges commerciaux atteignent une valeur de 5.3 milliards de dollars américains par an, où les rives abritent six des dix plus grands ports mondiaux.

Enjeux géopolitiques.

Les tensions entre la Chine et les pays de l’Asie du Sud sur la mer de Chine méridionale se trouvent ainsi au centre d’une rivalité entre les États-Unis — l’autorité de surveillance du réseau de sécurité de la région depuis des décennies, — et la Chine qui a une intention croissante de devenir la puissance dominante de la région.

« La mer de Chine méridionale est devenue l’un des principaux points de blocage dans les relations sino-américaines… », a déclaré Zhou Qi, directeur de l’Institut national de stratégie à l’Université Tsinghua. Comme les États-Unis pivotent de plus en plus à l’Asie-Pacifique en renforçant les partenariats avec les anciens alliés et en établissant de nouvelles amitiés avec les partenaires dont plusieurs ont des différends territoriaux avec la Chine. Pékin ressent la pression.

Après des années de friction, les conflits ont été reconnus comme une question d’urgence, si bien qu’un tribunal d’arbitrage international à La Haye se prépare à se prononcer sur l’affaire présentée par les Philippines contre la Chine. Une décision considérée comme défavorable à Pékin pourrait porter atteinte à ses revendications à plus de 90 % des eaux.

Les Philippines ont demandé à la Cour de se prononcer sur l’état des revendications de la Chine ainsi que sur la base juridique de sa revendication de « droits historiques », basée sur une carte des années 1940 montrant une ligne floue en pointillé descend vers environ 1.800 kilomètres (1.119 miles) au sud de l’île de Hainan en couvrant environ 1,4 millions de miles carrés. La zone est chevauchée par les revendications du Vietnam, de la Malaisie, les Philippines, Brunei et Taiwan.

La Chine, pourtant signataire d’UNCLOS, la Convention internationale sur les droits de la mer, qui a refusé de participer à l’affaire, et les États-Unis se sont lancés depuis des mois dans une diplomatie et des relations publiques de frénésie avant la décision. Les États-Unis ne faisaient pas partie de l’affaire, mais ont défendu la liberté de navigation dans la région. Enfin d’être plus cohérent dans sa démarche, Washington commence à étudier la possibilité d’adhérer rapidement à UNCLOS.

Signe de préoccupation grandissante, le G7 a exprimé sa préoccupation au sujet de l’instabilité dans la mer de Chine méridionale lors d’une réunion au Japon le mois de mai dernier. De sa part, la Chine demande le soutien de différents pays comme la Russie, la Gambie, la Biélorussie et le Kazakhstan. Au cours des dernières semaines, plus d’une douzaine d’ambassadeurs chinois — du Royaume-Uni au Sierra Leone — ont publié des articles soutenant la position de leur pays, et au début juin, un autre article argumentaire financé sur l’affaire a été publié sur le Jakarta Post. Le même jour, le Manilla Times a publié, moyen finance dans l’espace publicitaire, un article de Fu Ying, président du comité des affaires étrangères du Congrès national du peuple de la Chine, accusant les Philippines d’ « aggraver » le différend.

« La Chine va perdre et ce sera humiliant pour eux, donc, elle va mettre en avant un autre argument qui n’est pas vraiment bien défini », a dit Bill Hayton, l’auteur de « La mer de Chine du Sud: La lutte pour le pouvoir en Asie ». Le journaliste Bill Hayton estime que « la Chine va perdre au moins la moitié des 15 arguments que les Philippines ont déposé à la cour. Il y a un énorme effort pour essayer de montrer que la Chine a reçu un soutien international en faveur de sa position. »

Les États-Unis lui-même se sont insérés dans ce qui avait été précédemment un différend essentiellement régional quand, en 2013, la Chine commençait à draguer et vider des millions de tonnes de sable et de corail sur sept particularités des îles de Spratly qui se trouvent dans le sud-est de la mer de Chine du Sud. La Chine a créé des îles artificielles pour une totale de plus de mille hectares.

Le ministère des Affaires étrangères de la Chine estime que ce pays a le droit de construire sur les récifs car ils constituent son territoire souverain « indiscutable » et, en tout cas, il est important de fournir des services civils comme la recherche et le sauvetage maritimes.

Les États-Unis ont un regard différent sur cette question. « Nous évaluons que la Chine a mis en place l’infrastructure nécessaire pour renforcer ses capacités militaires dans la mer de Chine méridionale, ce qui est d’autant plus important qu’une défense nécessaire de ses avant-postes » a dit en mars James Clapper, directeur du renseignement national.

Les responsables américains ont dit qu’ils se sont préoccupés par le fait que la Chine prend la moindre mesure pour donner une réponse rapide, pourtant, au fil du temps, elle fait de changements substantiels. Ils prétendent que l’objectif final de la Chine est d’établir des bases militaires avancées et de repousser la marine américaine.

La Chine déclare qu’elle n’a pas empêché la navigation commerciale. Mais quand elle a saisi l’îlot Scarborough des Philippines en 2012, elle a restreint les importations de bananes en provenance de ce pays en invoquant des raisons de santé. En 2010, la Chine a effectivement interdit l’exportation de terres rares au Japon au milieu des tensions sur les îles contestées dans la mer de Chine orientale.

La Chine utilise de plus en plus les gardes de côte et les bateaux de pêche armés pour faire valoir ses revendications afin d’éviter une face à face sino-américaine entre Marine militaires.

« En se détournant de l’agression tactique, Pékin se concentre sur les actions visibles et civiles pour consolider un nouveau statuquo de la maritime en Asie », ont écrit Ashley Townshend et Rory Medcalf dans un rapport en avril de l’Institut Lowy pour la politique internationale basé à Sydney en Australie. Le rapport précise « que parce qu’il est maintenant pratiquement impossible de contraindre la Chine à faire reculer ses avant-postes, la priorité pour les États-Unis et ses partenaires ce serait de décourager une militarisation accrue de la région. »

D’ici au 12 juillet, la veille du verdict, la Chine annonce des exercices navals de grande ampleur en mer de Chine méridionale.

© La Rédaction.

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