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Illustration Drapeaux Japon Russie — Source It.Wikipedia.org — Licence CC

Japon — Russie : Un rapprochement jalonné d’obstacles

Relation Japon Russie : Le premier ministre japonais  Shinzô Abe sera chez Vladimir Poutine les 27 et 28 avril. Malgré son soutien aux actions militaires américaines, Tokyo espère continuer son rapprochement avec Moscou. Avec quelques obstacles non négligeables en plus…

Il a été l’un des premiers dirigeants à apporter son soutien à la frappe massive lancée par Donald Trump contre le régime de Damas dans la nuit du jeudi 6 au vendredi 7 avril. « Le gouvernement japonais soutient la détermination du gouvernement des États-Unis à ne jamais tolérer la propagation et l’utilisation des armes chimiques » a déclaré le Premier ministre Shinzô Abe à des journalistes dès que la nouvelle de l’initiative guerrière de Washington fût connue. Le chef du gouvernement de Tokyo en a profité pour lancer un « clin d’oeil » diplomatique appuyé sur la situation en Corée du Nord en ajoutant : « En Asie de l’Est, la menace des armes de destruction massive est devenue de plus en plus grave (…) Dans ce contexte, le Japon apporte son crédit à l’intense engagement du président Trump à maintenir l’ordre international, la paix et la stabilité des alliés et du monde ».

Un avertissement pour Pyongyang, et un message qui tombe à point nommé alors que le président américain recevait le dirigeant chinois Xi Jinping, et que les armées sud-coréennes, japonaises et américaines venaient de terminer un exercice militaire autour de l’île de Jeju pour anticiper un possible tir de missile nord-coréen depuis un sous-marin.

Problème : si Shinzô Abe a naturellement voulu apporter un soutien sans ambiguïté à son allié américain, sa position risque fort de compromettre la relation du Japon avec la Russie qui, elle, n’apprécie pas vraiment l’initiative de Donald Trump en Syrie. Moscou, qui a parlé « d’agression » pour définir la frappe des 59 missiles Tomahawk — qui auraient détruit 20% de la capacité aérienne syrienne selon le Pentagone — a demandé une réunion d’urgence du conseil de sécurité des Nations unies (dont le Japon fait partie comme membre non permanent jusqu’au 31 décembre 2017).

Shinzô Abe et Vladimir Poutine s’étaient pourtant rencontrés à trois reprises en 2016. Lors de la rencontre de décembre, le dirigeant russe s’était déplacé dans la ville natale du Premier ministre, à Nagato dans le sud du pays. Au menu de la discussion : un début de résolution d’un conflit territorial sur quatre îles au nord d’Hokkaidô, que les Russes considèrent comme faisant partie de l’archipel des Kouriles, et donc sous souveraineté russe (ce qui est le cas dans les faits depuis 1945). Un différent diplomatique particulièrement sensible au-delà de la stricte question territoriale car, en vertu du traité de sécurité liant Washington et Tokyo, si le Japon récupérait la souveraineté de ces îles (ce qui reste sa demande officielle), les Etats-Unis pourraient envisager d’y installer des bases militaires. Autant dire que la récente évolution des événements en Syrie ne vont pas pousser à la conciliation.

Cette question territoriale sera pourtant l’ordre du jour du sommet prévu entre les deux hommes les 27 et 28 avril. Shinzô Abe va en effet se déplacer en Russie, à Moscou et peut-être à Saint-Petersbourg, la ville d’origine de Vladimir Poutine. L’idée, à court terme, est de créer entre les deux pays une zone de coopération économique. Les quatre îles des Kouriles du sud concernées resteraient un territoire russe mais une soixantaine de projets, sur une dizaine de domaines aussi variés allant tourisme ou les équipements médicaux, seront lancés. Le Japon en profiterait aussi pour négocier avec Moscou des accords commerciaux dans des secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle ou l’énergie, qui sont cruciaux pour les grandes entreprises industrielles japonaises, qui en ont bien besoin pour combler leurs pertes sur le high-tech grand public. De plus, cela permettrait au Japon de rester un partenaire privilégié avec la Russie sur la question du projet d’un gazoduc reliant Sakhaline à Hokkaidô, contesté en Russie qui estime que les besoins en gaz du Japon iront décroissant avec le redémarrage des centrale nucléaire.

Reste à savoir si ces projets économiques tiendront le choc face aux tensions diplomatiques et au difficile équilibre que doit trouver Tokyo entre Moscou et Washington. D’autant que pour le Japon, officiellement, l’objectif affiché de son récent rapprochement avec la Vladimir Poutine reste le même : envisager la signature d’un traité de paix qui n’a jamais été établi à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Un but que confirmait encore Shinzô Abe à la presse japonaise au début du mois d’avril, avant l’attaque de la base aérienne d’al-Chaayrate.

 

Par Damien Durand.

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