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Pollution des océans par le plastique, des solutions existent !

Par Antoine Violet-Surcouf, École de guerre économique

La masse de détritus plastique présente dans les océans est telle qu’on l’appelle souvent le « 7e continent ». Si l’innovation technique peut constituer une bonne façon de lutter contre ce fléau, tous les scientifiques s’accordent à dire que la meilleure réponse à apporter ne consiste pas à filtrer la mer, mais à changer nos comportements.

Les déchets déversés par l’homme hors des terres sont constitués à 90 % de plastiques, essentiellement du polyéthylène, polypropylène et du polytéréphtalate d’éthylène. Des noms barbares qui cachent une réalité effrayante : si jusqu’alors, les débris flottants étaient détruits par les micro-organismes marins, l’arrivée de ces plastiques a changé la donne. Fragmentés en minuscules morceaux par le soleil, l’eau et le sel, les 5 000 milliards de microdébris plastiques qui polluent les océans forment une « soupe » quasi invisible en surface et en profondeur qui, contrairement aux six continents terrestres, est la seule à poursuivre son expansion.

Pour bien se rendre compte de son ampleur, il faut savoir que la superficie du 7e continent dans et hors de l’eau recouvrirait en équivalence plus que la surface totale des océans.

Les scientifiques ont récemment estimé la surface de la partie émergée du 7e continent à 3,5 millions de km2, soit 150 millions de tonnes de déchets. L’équivalent de six fois la France, d’un tiers des États-Unis, et bientôt la taille de l’Europe si rien n’est fait d’ici 20 ans.

 

Océans… le mystère plastique (Via Découvertes Films, 2016).
20 ans d’expéditions dans les poubelles des océans

Nombre d’hommes et de femmes rivalisent d’ingéniosité afin de sensibiliser le grand public aux dangers de l’expansion du 7e continent. Ils multiplient, depuis la première alerte lancée en 1997 par Charles Moore, les initiatives innovantes.

C’est au retour d’une course à la voile entre Los Angeles et Honolulu que le navigateur américain a pris découvert, en empruntant une route peu fréquentée par les bateaux, l’existence d’immenses plaques de plastique flottant. Un phénomène qui s’explique par la présence de gyres océaniques, ces tourbillons permanents générés par la rencontre de plusieurs courants marins, qui concentrent des millions de morceaux de plastique.

Celui qu’il a traversé dans le Pacifique Nord – appelé « grande plaque de déchets du Pacifique » – est l’un des plus importants au monde avec jusqu’à un million de fragments de débris par km², soit une masse cinq à six fois plus élevée au même endroit que le plancton.

Dans la foulée, Charles Moore crée une ONG, Algalita Marine Research and Education Foundation, pour tenter de filtrer cette zone où la quantité de déchets plastiques a été multipliée par 100 en 40 ans. Il embarque alors pour sept expéditions scientifiques, qui ouvriront la voie à d’autres défenseurs des océans à travers la planète.

 

Charles Moore sur la pollution des eaux par le plastique (TED, 2009).

 

Car le 7e continent s’étend également dans l’Atlantique Nord, où une plaque de déchets de taille comparable à celle du Pacifique Nord est découverte en 2010 par une équipe de chercheurs.

Une autre a également été détectée la même année en Méditerranée, où l’expédition MED (Méditerranée en danger) a évalué le nombre de déchets à 115 000 particules par km².

Particulièrement concentrés autour des côtes méditerranéennes mais aussi atlantiques, ces plastiques proviennent à 80 % de la terre ferme, acheminés par le vent, les rivières ou directement jetés par la main de l’homme. Le reste tombe des navires de commerce. Sur les 300 millions de tonnes de plastique produites chaque année dans le monde, 10 % termineraient dans les océans.

Pour alerter le public sur l’état des eaux et pousser la communauté internationale à réagir, le skippeur guyanais Patrick Deixonne s’est récemment lancé dans le projet Expédition 7ᵉ continent. Après avoir parcouru le Pacifique Nord en 2013 avec un biologiste et un photographe, il a sillonné l’Atlantique Nord en 2014 et 2015 avec le soutien du CNRS, du CNES, de l’ESA et de Mercator Océan, avant de parcourir le golfe de Gascogne et l’Atlantique Sud en 2016. Guidé par satellite afin de se rendre dans les endroits les plus concentrés en débris de plastique, le navigateur y a cartographié les zones les plus polluées et a compilé ses nombreuses mesures de manière ludique sur sa plateforme web.

 

Documentaire sur l’expédition « 7e continent » conduite en mai 2014 (Expédition 7e continent, 2015).
L’innovation à la rescousse

Comme lui, d’autres marins, scientifiques et écologistes ont innové pour sensibiliser et nettoyer eux-mêmes les océans de ces gigantesques nappes de plastique, qui menacent des centaines d’espèces marines contaminées par l’ingestion de minuscules débris.

Lors de la COP22 à Marrakech, le navigateur français Yvan Bourgnon a ainsi présenté son projet de quadrimaran, équipé d’un système de récupération des déchets. Long de 60 mètres, Manta disposera d’une sorte de peigne de 72 mètres de large, qui ratissera la mer pour y récupérer tout ce qui flotte et le stocker dans ses deux coques centrales d’une contenance de 150 tonnes. L’ancien vainqueur de la Transat Jacques Vabre s’est donné cinq ans pour naviguer à bord de ce voilier, qu’il aimerait ensuite fabriquer à une centaine d’exemplaires… « Une goutte d’eau à l’échelle planétaire », reconnaît-il toutefois.

 

Présentation 3D du Manta (The Sea Cleaners, 2016).

 

Outre-Atlantique, un projet un peu similaire a déjà vu le jour sous la forme de deux poubelles flottantes au look de personnages de cartoon. Depuis 2014, Mr. Trash Wheel et Professor Trash Wheel avalent des tonnes de déchets dans les eaux du port intérieur de Baltimore (États-Unis), propulsés par la force de l’eau et l’énergie solaire.

Mais le projet le plus ambitieux est certainement celui d’un Néerlandais de 22 ans, Boyan Slat, qui a développé un prototype de barrières flottantes baptisé Ocean Cleanup (« nettoyage de l’océan »). Constitué de deux bras gonflables en forme de V arrimés aux fonds marins, ce dispositif sans bateau récupère les débris en s’appuyant sur les courants marins, qui les envoient directement vers son grand rideau déployé dans l’eau. Après avoir installé un modèle réduit en mer du Nord en 2016, le jeune homme entend poser au large des bouées 1 000 fois plus volumineuses d’ici 2020, avec deux bras flottants de 50 km de long : « En déployant un de ces systèmes durant 10 ans, nous pourrions nettoyer la moitié de la grande plaque de déchets du Pacifique », espère-t-il.

 

Reportage sur Boyan Slat et son projet Ocean Cleanup (PBS NewsHour, 2016).
Changer les comportements reste le plus efficace

Mais la vraie solution demeure la modification des habitudes sur la terre ferme. Plus efficace que n’importe quelle campagne de nettoyage, c’est la seule alternative véritablement préconisée par les chercheurs, qui considèrent d’ores et déjà impossible de débarrasser complètement les océans des déchets plastiques.

Cela commence par l’adoption de gestes simples. « L’océan est très résilient : si nous cessons de jeter du plastique dans la mer aujourd’hui, dans 50 ans nous aurons retrouvé l’écosystème de départ. C’est quelque chose qu’on peut changer avec la loi, la pédagogie et l’éducation », affirme de son côté Romain Troublé, secrétaire général de la goélette Tara Océans.

The ConversationEn France, l’interdiction des sacs plastiques de caisse à usage unique a finalement été mise en œuvre en juillet 2016, après dix années d’atermoiements. Et d’autres pistes sont explorées, à l’image de cette enseigne bio qui a récemment décidé de ne plus commercialiser l’eau vendue en bouteilles.

Par Antoine Violet-Surcouf, Enseignant Influence digitale, École de guerre économique

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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