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20190804 Mer de Chine Vanguard Bank

Mer de Chine méridionale : Pourquoi la Chine s’attaque-t-elle à la ZEE du Vietnam ?

#Analyse. Depuis le début du mois de juillet 2019, la Chine envoie le Haiyang Dizhi 8, un navire d’exploration géologique de prétexte et une armada de navires d’escorte violent la zone économique exclusive (ZEE) du Vietnam où se trouvent des sites pétroliers de ce pays autour des récifs Vanguard (Bank). Pourquoi Vanguard et pourquoi maintenant ? Et quelle stratégie de Pékin dans la Mer de Chine méridionale ? Explication. 

Avec la présence de Haiyang Dizhi 8 dans la ZEE vietnamienne depuis presque deux mois, Pékin a soudainement pris position à Vanguard Bank, en Mer de Chine méridionale. Selon le chercheur Derek Grossman de RAND Corporation : « Par cette action, la Chine tente probablement de tester la solidité des accords de défense — plus ou moins publics — entre les États-Unis et le Vietnam. » Les relations entre les militaires américains et vietnamiens font de grands pas en moins de deux ans. Elles accompagnent la stratégie de Washington pour une « Indo-Pacifique libre et ouverte ». Toutefois, « Hanoi semble douter — en coulisse — de la fiabilité des engagements des États-Unis pour ses partenaires. Et l’occupation par Pékin du banc Scarborough (Shoal) appartenant aux Philippines — pourtant, un allié des États-Unis en vertu d’un traité — en 2012 est un exemple classique…», ou plutôt un contre-exemple de la fiabilité américaine.

Bien que les événements d’actualité à Vanguard Bank illustrent les pires tensions entre le Vietnam et la Chine en Mer de Chine méridionale depuis l’affaire de la plate-forme pétrolière Haiyang Shiyou 981 qui a fait grand bruit en mai 2014, les années qui ont suivi n’ont pas été sans incident ni tension, parfois très graves, entre les milices maritimes chinoises et les pêcheurs vietnamiens.

La pression continuelle de la Chine sur ses voisins

En 2017 et 2018, la Chine a exercé d’énormes pressions sur le Vietnam pour qu’il arrête l’exploration et le forage d’hydrocarbures dans les plateaux continentaux en vertu de l’UNCLOS, mais que la Chine considère comme ses eaux, sans fondement juridique aucun. La conclusion de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye rendu en 2016 dans l’affaire Philippines vs Chine est sans équivoque sur cette question. Ainsi, en 2018, Pékin a forcé Hanoi à annuler un contrat de recherche de 200 millions de dollars avec l’Espagnole Repsol pour l’exploration des fonds marins au large de la côte sud du Vietnam.

Depuis la fin de 2018, des milices maritimes chinoises employant des centaines de bateaux ont encerclé l’île philippine de Thitu/Pag-asa. Ces tactiques de « zone grise » — car elles n’impliquent pas les navires gouvernementaux — sont élaborées pour harceler les pêcheurs philippins et créer de la tension permanente. Et ailleurs en Mer de Chine méridionale, Pékin, depuis 2013, patrouille inlassablement dans les hautfonds de Luconia, dans les eaux de la Malaisie. Sans compter que la Chine multiplie les intrusions dans la zone Senkaku/Diaoyu en Mer de Chine orientale pour contester le contrôle japonais.

La Chine possède désormais la capacité militaire pour imposer ses propres lois à ses voisins. Pékin compte pour cela sur ses bases navales et aériennes construites sur les îles artificielles bien reparties en Mer de Chine méridionale, que ce soit dans les Paracels ou dans les Spratleys. Ces bases fournissent à Pékin de nouveaux points à partir desquels la Chine lance ses forces militaires. Elles facilitent le maintien de la présence permanente de son armée en cas de conflit de longue durée.

Pékin et Washington en duel

Comme les relations entre les États-Unis et la Chine se détériorent à grande vitesse : les guerres commerciales et le retour annoncé de Washington en « Indo-Pacifique » à travers les opérations de liberté de navigation menées par les États-Unis (FONOPs). En juin 2019, par exemple, l’armée chinoise a testé pour la première fois un missile balistique antinavire, le « DF-21D », et une variante « DF-26 » à une plus longue portée, dans la zone proche des îles Spratleys.

Le dernier incident majeur s’est produit au début d’octobre 2018 : un destroyer de classe Luyang de la Marine chinoise a coupé la route à moins de 45 mètres de l’USS Decatur. En agissant ainsi, la Chine veut tester aussi la détermination américaine et la stratégie américaine dans cette région. Et avec ce qui se passe actuellement à Vanguard, Pékin espère aussi tester les réactions des pays concernés dans la région comme, en premier lieu, le Vietnam, son plus farouche adversaire en Mer de Chine. En même temps, l’armée chinoise cherche probablement des occasions de roder ses capacités croissantes à mener des opérations interarmes.

Et le Vietnam ?

Peut-être la question la plus importante dans tout cela est-elle de savoir ce que le Vietnam peut faire maintenant pour rendre les actions agressives de la Chine moins probables à l’avenir ? Bien que l’approfondissement à court terme du partenariat de défense américano-vietnamien puisse exaspérer Pékin, une coopération plus étroite à long terme entre Washington et Hanoi pourrait sans doute dissuader la Chine d’aller plus loin. Le renforcement de la coopération de défense avec les autres partenaires du Vietnam — l’Australie, le Japon et en particulier l’Inde — pourrait constituer des éléments dissuasifs vis-à-vis de Pékin. Et, quel que soit l’avenir, le Vietnam doit s’attendre aux conflits en crescendo avec la Chine.

Par Vo Trung Dung

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