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L’Asie, le nouvel eldorado des startups

Les Fintech, terme utilisé pour désigner les startups innovantes qui utilisent la technologie pour repenser les services bancaires et financiers, bouleversent le paysage mondial. En quelques années, l’Asie est devenue un lieu particulièrement attractif pour les startups et les investisseurs. En effet, depuis les années 2000, on observe un flux migratoire croissant des entrepreneurs vers ce territoire, notamment en Chine, à Singapour et plus récemment, en Inde. Quelles sont les raisons de cet engouement ? Quels sont les atouts dont dispose l’Asie pour attirer les Fintech ?

Une étude réalisée par GP Bullhound, la banque d’affaires technologique européenne, publiée en 2017, montre que l’investissement dans le secteur des Fintech continue de se développer. L’Asie représente le premier marché pour l’investissement et la croissance des startups de la finance. Pour la première fois en 2016, la Chine a devancé les États-Unis et l’Europe par son rythme de création de sociétés technologiques valorisées à un ou plusieurs milliards de dollars. Cette même année, quatre nouveaux entrants chinois avaient rejoint le classement mondial de la ligue des Fintech, contre un seul entrant américain.

Explosion du paiement mobile

La montée du paiement mobile explique en grande partie la hausse du nombre de startups asiatiques. « Il est difficile d’avoir un seul regard sur l’Asie. La Chine a pris beaucoup d’avance avec l’émergence de leaders incontestés dans le domaine du paiement mobile. Il s’agit notamment d’Alipay et Wechat. Deux ans après son arrivée sur le Vieux Continent la marque d’Ant Financial couvre 18 pays européens et a convaincu 50.000 marchands. L’application mobile Wechat compte elle, près d’un milliard d’utilisateurs. Ainsi, l’écosystème FinTech est déjà bien établi en Chine depuis 7-8 ans », précise Eric Barbier, Fondateur de TransferTo, une société basée à Singapour, spécialisée dans le transfert d’argent sur mobile à destination des pays émergents.

En Inde, le développement de l’écosystème Fintech est plus récent. Un programme d’identification lancé en 2009 a attribué un numéro d’identité unique à la quasi-totalité de la population indienne. Ce mode d’identification exigé pour percevoir des pensions de retraite ou bénéficier de programmes de subventions alimentaires, a été étendu au secteur privé. Il est désormais requis pour l’ouverture d’un compte bancaire. « Le système d’identification biométrique Aadhaar montre la volonté du gouvernement de bancariser les Indiens et de faciliter les transactions financières ».

« En Asie du Sud-Est et principalement en Indonésie, au Vietnam et en Thaïlande, la croissance du nombre d’acteurs Fintech n’a pas été aussi rapide. L’agence de transport indonésienne Go-Jek a lancé l’application GoPay en 2016 devenue l’un des portefeuilles mobiles les plus utilisés du pays. Son concurrent, GrabPay monte également en puissance dans le paiement », ajoute Eric Barbier. En effet, en 2017, Grab a annoncé son intention d’investir 700 millions de dollars en Indonésie au cours des quatre prochaines années dont 100 millions de dollars à destination des Fintech.

La diversification des solutions de paiement n’explique pas à elle seule le succès des Fintech asiatiques. Ce dernier est aussi lié aux actions menées par les gouvernements.

Initiatives et actions régionales

Plusieurs gouvernements de la région ont mis en place des mesures d’incitation à la création d’entreprise. « Singapour, grâce à l’appui de plusieurs banques centrales, a été le premier à soutenir les Fintech, ces dernières faisant partie intégrante du programme Smart Nation récemment lancé par le gouvernement ».

Le gouvernement singapourien contribue donc à l’essor des startups. En 2014, il a introduit le FAST, un système de transfert de fonds entre banques en temps réel. Puis, l’autorité monétaire de Singapour (MAS) a créé le groupe « Fintech Innovation » dans l’objectif d’élaborer des réglementations et stratégies de développement adaptées. « Les Fintech évoluent dans un environnement contrôlé mais bénéficient d’un cadre réglementaire souple qui leur laisse la liberté d’expérimenter des produits ou services innovants. Cela a permis l’éclosion de nombreux business models ».

Le financement des startups implantées à Singapour a été renforcé avec le lancement du « Fintech Office » en mai 2016. L’objectif : accompagner le développement des Fintech aux côtés des accélérateurs publics et privés. Ainsi, en 50 ans seulement, Singapour est devenue une place financière régionale et internationale forte.

Le gouvernement de Hong Kong voit également dans les Fintech l’opportunité de conquérir de nouveaux relais de croissance. Depuis 2015 et la mise en place d’un comité de pilotage dont la mission est de conseiller le gouvernement sur le développement du secteur, les autorités hongkongaises s’organisent pour faire de la région un acteur majeur des Fintech.

En février 2016, ce comité de pilotage a rédigé un rapport comportant cinq grandes recommandations destinées à renforcer l’écosystème Fintech. Depuis, de nombreuses actions ont été entreprises pour soutenir le développement de ces sociétés innovantes. Du 23 au 27 octobre 2017, s’est par exemple déroulée la 2ème édition du Hong Kong Business Week. Des dépenses supplémentaires ont été engagées pour développer des espaces d’incubation. Des aides fiscales comme le « Cash Rebate Scheme » ont été mises en place ainsi que des programmes de subventions publiques.

L’un des plus grands défis attendus est probablement celui de la régulation qui diffère selon les régions. « En Chine, l’absence de réglementation a permis de promouvoir la technologie financière. Une certaine souplesse est laissée aux acteurs jusqu’à ce qu’ils deviennent importants. Au contraire, en Inde, l’écosystème est davantage encadré. Le paysage Fintech indien connaît toutefois une croissance exceptionnelle, avec un investissement total de plus de 1,3 milliard de dollars dans le secteur entre 2012 et 2015, comme l’indique une étude de Zinnov Management Consulting. Alors qu’en Europe, le passeport européen permet aux acteurs qui en bénéficient d’accéder à l’ensemble du marché unique, en Asie, les règles applicables aux startups ne sont pas harmonisées », indique Eric Barbier.

L’Asie dispose incontestablement de nombreux atouts favorisant la création de startups. « Les opportunités sont réelles car une partie de la population n’est pas bancarisée. Les systèmes de paiement se mettent progressivement en place permettant aux nouveaux acteurs de proposer des solutions digitales plus économiques et cibler une population plus large. Enfin, les gouvernements se montrent plutôt ouverts à la Blockchain et aux crypto-monnaies », conclut Eric Barbier.

Ainsi, l’explosion du paiement mobile et des achats en ligne, l’environnement réglementaire plus souple et favorable à l’innovation technologique, ont permis à l’Asie de s’imposer comme le centre névralgique de la révolution numérique, une révolution qui ne fait que commencer…

Par Nathalie Jouet.

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